Espionnage industriel

Pékin, plus ou moins 2050. Dans mon imper de plastique, avec un vieux chapeau vissé sur la tête, je sors du taxi autonome pour me diriger vers l’entrée cet hôtel art-déco. On croirait qu’il est dans son jus, mais c’est juste le style qui est était à la mode il y a quelques années. Elle sort de l’autre côté du taxi et me rejoint sur le perron. On ne voit que son menton, sa capuche recouvrant presque tout son visage. La fine pluie coule sur son imper, en plastique blanc. Elle me regarde, sans décocher un mot. Je lui souris. Et nous rentrons.

Le hall est vaste et lumineux, dans les tons globalement crème et beige clair. Les lampes, les canapés, les tapis, tout semble tendre vers une couleur sable délavé, comme pour contraster au maximum avec la noirceur de l’extérieur. Tandis que je signe le registre, le type de l’accueil la dévisage avec une moue interrogateur. Après avoir scanné nos pièces d’identité, il nous tend deux clés et nous indique l’ascenseur. La chambre est au quatrième.

Spacieuse, confortable, salle de bain séparée, un espace bureau correct. J’y dépose ma sacoche, en sors mon ordinateur, et me connecte au wifi de l’hôtel pour envoyer quelques messages, comme un « Bien arrivés » à mon patron. Pendant ce temps, elle a soigneusement accroché son imper au porte-manteau (je me suis contenté de poser le mien sur la chaise), avant de faire le tour des pièces et s’allonger sur le lit, comme exténuée du voyage. Bon, ok, 12h de vol, plus l’aéroport et tous les contrôles, ça doit fatiguer. Je lui propose d’aller manger quelque part.

La soirée fut douce.

Le lendemain matin, je me réveille seul dans la chambre. Elle a dû descendre prendre son petit déjeuner. J’ai un peu trop dormi. Douché, habillé, je décide d’aller prendre un café en ville. J’ai rendez-vous en milieu de matinée, je pourrai ainsi repérer l’endroit et m’installer tranquillement avec un journal. La météo est plutôt clémente mais je ne quitte pas mon imper ni mon chapeau. J’aime bien le côté Blade Runner de cet accoutrement et en vérité, si je veux être reconnu, je n’ai pas intérêt à me changer. Je feuillette le journal en observant la rue depuis la terrasse d’un café. Mais mon rendez-vous ne se pointe pas. Après une demi-heure d’attente, je décide de rentrer à l’hôtel. Arrivé dans ma chambre, je l’entends dans la salle de bain. J’ouvre mon ordinateur et je reçois un message : il m’attend dans la rue, en bas de l’hôtel. Intéressant, je ne me rappelle pas lui avoir dit où je séjournais. Mais je joue le jeu. J’ai oublié mon imper sur ma chaise, mais tant pis, je poursuis. Une fois en bas, le type du rendez-vous me propose de nous installer au café juste en face, ce que nous faisons. Il est nerveux. Une fois que le serveur nous apporté nos tasses, il sort un ordinateur portable et me montre des photos d’elle et moi, à l’aéroport. Puis il me demande : « Est-ce qu’elle fonctionne bien ? Combien elle vaut ? ». Je lui souris. « Elle n’est pas à vendre », je lui réponds. « Juste, elle existe. C’est tout. ». Il semble ne pas comprendre. Il ferme son ordinateur, regarde autour de lui. Il veut s’enfuir. Je le retiens par le poignet, il semble paniqué. « Pas si vite » je lui dis. « Et vous ? Elle est où ? ». Mais il ne répond pas. Il gémit, blêmit, sue tout ce qu’il peut, tente de se dégager de moi mais j’ai la poigne ferme. Il regarde par-dessus mon épaule : l’hôtel.

Je traverse la rue sans même regarder les voitures et monte quatre à quatre les escaliers. La porte est grande ouverte et la chambre retournée. Mon ordinateur a disparu, elle aussi. « Tout va bien ? » je lui envoie mentalement. « Oui. Je suis sur le toit. Deux agents avec moi. Ils m’ont emmenée de force mais je me suis laissée faire ». « Montre-moi » je lui demande. Et instantanément, je vois à travers ses yeux. Ils la retiennent pensant la dominer et lui demandent de livrer des plans, sinon ils la balancent par-dessus la rambarde. C’est là qu’elle décide d’intervenir. Comme si elle attendait d’avoir fait la connexion avec moi. En une fraction de seconde, elle bloque le bras du type à sa droite et décoche un coup à la gorge de celui à gauche. Il suffoque, elle se retourne vers le premier et lui plante deux doigts dans les yeux. Il tombe en hurlant et s’écrase au sol. Elle se retourne vers l’autre, qui a repris sa respiration. Elle s’enroule autour de lui, cherche un port de connexion. Tout le monde en a un aujourd’hui, il doit forcément en avoir un. Elle le trouve derrière une oreille et s’y engouffre. Comme aspirée dans sa pensée, elle explore chaque recoin et y découvre ce que nous voulions savoir : non, le gouvernement Chinois ne semble pas avoir développé d’IA humanoïde du même niveau qu’elle ; les infos que nous avions captées n’étaient que du bluff, comme nous le présentions. Ils sont paniqués à l’idée de son existence et voudraient la neutraliser. Ils n’avaient pas connaissance de sa forme humaine et donc ne soupçonnaient pas qu’elle m’accompagne. Elle le relâche pour qu’il puisse aller raconter ce qu’il a vu. Hébété, il s’enfuit.

Je me déconnecte d’elle. D’un clignement d’œil, je lance le replay de la micro caméra de surveillance que j’avais installée en direction de la porte de notre chambre. Les deux gars sont entrés pile au moment où je m’installais au café avec leur collègue. Elle était allongée sur le lit, elle avait dû percevoir leur présence bien auparavant. Elle a bien joué son rôle.

Nous rassemblons nos affaires et quittons l’hôtel. Oui, c’était osé de venir en territoire ennemi avec notre prototype incroyablement avancé. C’était mon idée. Faire fuiter que j’étais devenu rogue, que je voulais vendre des infos au camp d’en face. Pour en réalité leur étaler au visage notre avancée, leur mettre un tel coup de pression qu’ils abandonnent toute course à l’armement. Qu’ils lâchent leurs recherches. Nous sommes trop loin devant.

Comme prévu, aucune complication à l’aéroport. Comme prévu, la peur s’est installée chez eux. Prochaine escale : Moscou.

Et la nouvelle reine d’Angleterre est…

La reine Elisabeth II a abdiqué. Et par un enchaînement inédit d’abdications parmi les héritiers du trône, je me retrouve être son successeur, au bout d’une ramification familiale dont j’ignorais l’existence. Je suis le prochain roi d’Angleterre, rien que ça.

Je suis transporté à Buckingham Palace avec mes parents et mon plus jeune frère Max. De l’intérieur ça ressemble plutôt à un agrégat de maisons qu’à un véritable palais et les innombrables couloirs nous perdent rapidement. Mais pas le temps de visiter, nous sommes conduits dans une pièce où nous sommes préparés, habillés, maquillés. Et coiffés. Mais c’est une catastrophe : depuis les confinements, je ne suis pas retourné chez le coiffeur et ma tête ne ressemble à rien. La coiffeuse ne sait pas quoi faire de ma tignasse, ma mère s’en inquiète : « Que vont penser les gens qui te verront une fois couronné ? ». Mais pas le temps d’envisager une coupe : la BBC retransmet à la télévision les préparatifs de la cérémonie : des milliers de personnes sont déjà agglutinées le long du parcours du carrosse, qui m’attend à la sortie. Le personnel exécute les préparatifs par dépit : je suis un outsider complet, sans aucun étiquette ni éducation royale. Ils pensent tous que je suis un imposteur. Mais moi, je n’ai rien demandé non plus. On m’enfile une sorte de manteau royal, on me donne un sceptre et me voilà en route dans ma calèche dorée pour recevoir quelques sacrements dans une vaste église pleine d’inconnus et de caméras. Pendant la cérémonie, j’entends de nombreux commentaires, dont ceux du présentateur de la BBC, ne cessant de s’étonner du couronnement de ce modeste inconnu, dont personne n’aurait pu prédire l’accès au trône. À la fin de la cérémonie, ils vient m’interviewer avec tout le dédain qu’on peut imaginer me concernant. Il propose même qu’on me coupe les cheveux en direct. Ma mère me fait non des yeux, mais je me dis allez, soyons fous. La coupe est pas dingue, mais le journaliste est bluffé que j’aie accepté.

Une fois de retour au palais, je suis placé dans mes appartements comme on dépose un manteau dans son placard. Immenses, confortables, mais dénués de moyen de communication. Je retrouve mes parents, dans leurs appartements, eux aussi coupés du monde. Nous sommes inquiets. Car mon autre frère, absent de la cérémonie, n’a pas donné de nouvelles depuis qu’il est parti en randonnée en montagne il y a quelques jours. Fort heureusement la presse et le public n’ont pas encore connaissance de son existence. Nous voulons appeler le refuge où il était censé s’abriter lors de son excursion mais nous n’avons pas de téléphone. « Je sais ! » dis-je. « Je suis le roi après tout ; j’ai bien le droit à une sorte d’aide de camp, ou de secrétaire ! ». Et je m’en vais dans les couloirs à la recherche de ce supposé assistant.

Je me perds dans les couloirs du personnel, alambiqués, exigus, et je tombe sur les cuisines. Les cuistots ne comprennent pas qui je suis ni ce que je veux. Une femme de chambre passant par là me reconnaît : « Hey, mais je vous ai vu à la télé ! Faut pas rester là, retournez dans vos appartements ». Je lui explique que je cherche mon éventuel aide de camp mais elle me dit qu’il n’a pas encore été désigné. J’arpente les couloirs dépité, tandis que le personnel vaquant me croise avec un air interrogateur, comme si un intrus avait pénétré le palais.

J’arrive sur le perron puis dans la cour. Là, deux types en voiture de luxe m’attendaient : visiblement, je suis invité à aller dîner avec eux en ville. Cela fait partie de mon agenda de roi. Ok, allons-y après tout. Ils me conduisent dans un restaurant huppé, la vue est superbe. Mais ils passent leur temps à prendre des selfies avec moi et poster des photos sur Instagram, se vantant de dîner avec un roi. Au final, je mange seul sans lâcher un mot, un peu triste de cette étrange vie qui démarre. De temps en temps je regarde mon téléphone pour voir mon compteur Instagram exploser de seconde en seconde : ça y est, je deviens célèbre. Mais je ne pense plus à mon frère perdu en montagne.

Le lendemain, alors que je retrouve mes parents pour le petit déjeuner, un secrétaire se joint à nous et se présente : il m’assistera pour toutes mes tâches. D’emblée je lui explique la situation de mon frère et lui intime d’envoyer les secours. Lui qui pensait avoir des missions plus nobles, rechigne un peu mais s’exécute. À peine a-t-il quitté la pièce que mon frère manquant se pointe au palais, tout maigrichon, en tenue de randonneur. « Je suis venu dès que j’ai appris la nouvelle » nous dit-il. Je rappelle mon secrétaire pour annuler les hélicos et rappeler chiens, tout est réglé.

Un peu plus tard, j’entreprends d’explorer davantage les lieux. Je commence par l’extérieur et fais le tour du palais. Je trouve ainsi l’entré du garage : un long tunnel, assez large, dans lequel sont garées sur un vaste espace les voitures royales : coupés, berlines, minibus… un peu plus loin, une barrière avec des gardes. Après cette barrière, un accès à mes appartements. Je salue les gardes, qui fument, lisent les journaux et discutent en plaisantant. Tous arrêtent ce qu’ils faisaient et me regardent d’un air sérieusement suspect. L’un d’eux fait mine de sortir son arme de sous son costume quand un autre lui dit d’arrêter : il y a ma tête dans le journal, je suis leur patron ! La petite goutte de sueur qui commençait à couler dans ma nuque s’écrase sur mon peignoir : ouf. Depuis le début, personne ne semble se soucier de qui je suis, là ça a failli être fatal. Ils me disent gentiment de pas rester là, mais je leur répond que je suis content de faire leur connaissance et je ne veux pas les déranger. Dans notre dos, un bruit de moteur vrombissant. Nous nous retournons : deux jeunes baraqués, lunettes noires, à fond sur un scooter bruyant, foncent vers nous dans le tunnel. Ils pilent juste avant la barrière alors qu’un des gardes s’est levé et leur a intimé de faire demi-tour. Ils se jettent du scooter et dégainent : un pistolet dans chaque main. Ils ouvrent le feu avant même d’avoir touché le sol. Les gardes sont presque tous foudroyés par les balles, je me jette derrière une berline blindée. Plaqué au sol, je les vois évoluer vers les survivants. L’un des derniers gardes tente de les abattre mais c’est lui qui se fait descendre. En mourant, il lâche son arme qui glisse vers moi. Je la saisis et vise la tête du gars le plus proche. Je tire : rien. Enfin, ça tire, mais il reste debout. Il m’a vu. Son complice aussi. Ils se rapprochent de moi, en marchant tranquillement. J’ajuste à nouveau l’arme et tire sur les deux types. Ils sont à deux mètres de moi, comment je peux les louper ? Je continue d’appuyer sur la gâchette mais rien n’y fait, ils sont invincibles. À court de munitions, allongé sur le dos, les mains tendues crispées sur le pistolet vide, je me dis que mon règne aura été le plus court de l’histoire. Ils pointent doucement leurs armes vers moi, puis les baissent et enlèvent leurs lunettes : « Bravo monsieur, vous avez brillamment passé le test, bienvenue au palais ».

Famille, aliens, invasion

Je suis avec mon plus jeune frère, Max, chez mes parents. On est plus jeunes qu’aujourd’hui. Avec Max, on trouve que le comportement de papa et maman est de plus en plus étrange. On finit par se rendre compte qu’ils sont possédés par une sorte d’entité alien. Ils veulent nous forcer à rejoindre le groupe, ce que nous refusons. Nous sommes prisonniers à la maison, nous ne pouvons plus en sortir, ils nous retiennent, et dès qu’on s’approche de la porte d’entrée ils nous attrapent avec force et des gros muscles, leur tête change complètement, nous sommes terrifiées.

J’essaye par tous les moyens de contacter l’extérieur pour appeler à l’aide ; mon premier réflexe est d’envoyer des messages à des inconnus sur Internet, en leur demandant d’appeler la police pour moi, car je ne peux pas téléphoner. Mais j’ai beaucoup de difficulté à donner notre adresse exacte : je ne me rappelle pas du numéro ni de la rue, c’est très compliqué. Je finis par réussir à envoyer un message. Mais les gens ne me croient pas.
Autre stratagème, j’essaye d’alerter des passants mais ça ne marche pas ; les gens me regardent sans rien dire, comme si j’étais fou à lier. Je profite d’un moment nous sommes obligés de tout sortir ensemble pour des courses et nous croisons un camarade de classe. J’essaye d’attirer son attention, mais maman l’attrape et le contamine aussitôt, avec un regard qui veut dire « Essaye encore, mais je gagne à chaque fois ». Je me dis que c’est foutu, je suis résigné.

Un jour j’ai fini par réussir à sortir de la maison à force de nombreux essais, et j’appelle, désespéré, le voisin d’en face. Marc ! Marc ! Mais il ne répond pas. Alors j’essaye de lui téléphoner depuis une cabine à proximité, il décroche, je suis sauvé ! Je lui explique la situation, je lui dis d’appeler la police, de venir nous chercher, mais ça ne l’intéresse pas et il raccroche. Je suis dépité. C’est alors que le miracle se produit : une voiture de ronde de police passe dans la rue à ce moment là. Je me vautre sur leur capot, les sommes d’arrêter mes parents pour maltraitance, ça n’est plus eux, ils sont différents. Les policiers sceptiques viennent à la maison. Regard noir de mon père mais sourire mielleux aux policiers qui évidemment n’y voient que du feu et me disent de rentrer sagement et d’arrêter de jouer aux jeux vidéo.

Il ne me reste qu’une seule solution : les tuer.

Alors que j’avais déjà plusieurs fois essayé de les attaquer, leur force colossale m’avait systématiquement mis au tapis. Cependant, un soir, je parviens à discrètement voler une paire de ciseaux qui trainait sur la table de la cuisine. Je la serre fort dans la main à m’en entailler la peau. C’est ma chance, ma dernière chance. M’man est assise à la table de la cuisine. Je m’approche. Dou. Ce. Ment. Et en un battement de cils les ciseaux sont plantés sur le dessus du crâne, qui semble être le point faible. Deux interminables secondes s’écoulent pendant lesquelles je reste tétanisé d’avoir planté ma mère qui elle, ne bouge pas d’un poil. Puis le haut de sa tête s’agite, de plus en plus, et son crâne explose comme une pastèque trop mûre. Un énorme ver agrippé à ce qui reste de cerveau s’agite, il semble souffrir et crier. Dans un hurlement de rage j’attrape le ver à deux mains et je tire, je tire aussi fort que je peux, jusqu’à réussir à l’extraire du corps de maman, et je me retrouve avec un énorme ver d’un mètre de long qui gigote dans mes bras en crissant, la gueule ouverte avec deux énormes crocs qui cherchent mon visage.
La lutte est brouillonne, je me débats mais je finis par trouver les ciseaux tombés à côté, que je lui plante dans la gueule. C’en est fini. Le corps de maman, sans tête, est tombé inerte sur le sol, et le ver gît à côté, du sang épais et mauve s’écoule de sa blessure. Papa arrive et découvre la scène, il est d’abord médusé, interloqué, puis progressivement la colère le gagne, il se transforme dans des convulsions, ses muscles grossissent, sa tête devient énorme, il va me tuer. J’attrape Max, on s’enfuit dehors, on court dans la rue, mais on est rattrapés par cet immonde papa, et par quelques voisins qui ont surgit de chez eux comme s’ils avaient « senti », dont Marc, qui se transforme aussi en courant. Finalement, est-ce qu’on va s’en sortir ?

Effondrement et fuite spatiale en cocon

C’est arrivé d’un coup. Plus d’électricité, plus d’eau, plus de communications, plus rien. D’un coup. Comment survivre dans ce chaos ? Il y a des gens un petit peu partout qui ont pacté leurs valises dans leur voiture, se préparent à partir, mais je ne sais pas exactement où ils vont. Ont-ils entendu que la situation est meilleure ailleurs ? Nous on décide de rejoindre ce qui était prévu depuis le début, à savoir une sorte de base spatiale dont nous avions entendu, quelques mois avant cet effondrement, qu’ils recherchaient des volontaires. Quitte à ce que tout s’écroule, autant y aller à fond.

Nous arrivons sur place en voiture avec d’autres personnes embarquées en chemin, et nous voyons aligner différents bâtiments étranges, des sortes de vaisseaux métalliques, mais sans rampe de lancement. On nous débarrasse de toutes nos affaires, de tous nos vêtements, et nous enfilons des combinaisons. Ça ne traîne pas. Nous passons ensuite dans une sorte de salle d’essai, de tests, pour apprendre à manipuler quelques contrôles. L’une des personnes du groupe est réfractaire à ces essais, mais un membre du centre lui dis qu’il vaut mieux savoir gérer les situations diverses en apesanteur, car nous allons y être probablement pour quelques années. En effet, la lumière s’éteint, et nous flottons alors dans le vide. Apparaît devant nous une sorte de tableau de bord géant, puis une chaise, et nous essayons de nous asseoir dessus. Sur le tableau on peut contrôler la gravité. Tout cela est en fait artificiel, il s’agit juste d’une représentation dans notre esprit, car ces objets n’existent pas. En effet, ce ne sont pas des fusées, mais ce sont des cocon. C’est cocon vont nous permettre de vivre de nombreuses années en mode léthargique, tout en ayant une stimulation du cerveau qui va nous faire croire que nous partons de la terre, en fusée. Mais en réalité on restera ici et le monde s’effondrera paisiblement autour de nous, tandis que nous serons bien protégés, dans nos cocon. Tout leur plan repose sur le fait que nous allons peut-être pouvoir sortir de ces cocon, dans quelques centaines d’années, quand la Terre ira mieux.

Finalement, c’est assez déprimant, mais c’était soit ça, soit le suicide. En rentrant dans le cocon, je me demande pourquoi davantage de monde n’a pas choisi cette solution qui me semble être la moins pire. Mais à bien y réfléchir, au moment où la lumière s’éteint, je me dis que cette solution est la pire car il est fort probable que nous ne sortirons jamais de ce cocon et que ce qu’il reste d’espèce humaine à savoir nous, vive à jamais dans un rêve, à manipuler un tableau de bord pour ajuster la pesanteur d’un voyage spatial imaginaire.

Casse de musée et retour vers le passé

Il est 18 heures, le musée se vide de ses derniers visiteurs. Je regarde une magnifique statuette pré-colombienne, mais fixe en réalité mon regard sur le reflet du gardien qui termine sa ronde, trainant le pas en espérant que je me dirige vers la sortie. Ce que je fais, avant de m’éclipser au dernier moment dans une aile fermée au public. Il ne m’a pas vu, parfait. Quelques couloirs plus loin, je retrouve mes comparses. Nous nous débarrassons de nos chapeaux, manteaux, lunettes, pour révéler nos tenues tactiques tout en noir. Chaussures anti-bruit, vêtements légers, cagoules. Nous sommes six, chacun a un rôle précis. Tandis que nos accoutrements civils sont empaquetés dans un des sacs à dos, on se refait un point rapide : nous disposons de 10 minutes exactement avant que l’équipe de nuit amorce sa ronde. Ce moment de flottement entre le départ des derniers visiteurs et la sécurité renforcée est notre fenêtre de tir. Nous regagnons la galerie principale. Sans un bruit, chacun avance vers notre objectif : une petite statuette antique de quelques centimètres de haut. Deux d’entre nous ouvrent la marche et guettent à chaque changement de salle qu’aucun gardien n’ait décidé de trainer par là. La voie est libre. Nous voilà enfin dans la bonne salle. La lumière tamisée est à notre avantage. Deux à chaque entrée, deux autour de la statuette. Percer le verre qui la protège est le rôle qui m’a été attribué. Je sors de mon sac un petit laser qui me permet d’ouvrir un cercle dans la paroi, que je retiens avec une ventouse. Mon acolyte attrape la statuette et la fourre dans son sac. Mission accomplie, il est temps de s’éclipser. Retour à notre point de départ. À pas feutrés, tapis dans l’ombre, nous glissons de salle en salle. Arrivés au fond du couloir, nous nous regroupons en cercle. « Rien à signaler ? Parés pour le départ ? » demande l’un d’entre nous. Non, rien à signaler, on est prêts. Celui qui a posé la question sort alors de son sac un boitier ; nous nous tenons tous par le bras, reliés au porteur du boîtier. Il l’active et un halo de lumière nous éclaire d’un coup : mon gardien du début, qui a décidé de faire du zèle. Il a à peine le temps de nous apercevoir que — zap — nous voici de retour chez nous, au XXIIe siècle. Mission accomplie.

« C’est ennuyeux qu’on ait été vus en plein transfert », dit l’un. « C’est rien, il croira avoir halluciné » je réponds. « Et puis c’est pour la bonne cause ». On se débarrasse de notre accoutrement de voleurs et nous dirigeons vers un bureau situé à quelques pas de la salle de transfert. Nous empruntons une passerelle extérieure. La vue est dégagée, il fait beau. Lors du cataclysme du XXIe siècle, l’espèce humaine a vu sa population drastiquement chuter. Il ne restait plus grand monde, mais suffisamment pour se rassembler et créer cette nouvelle cité, sur des bases saines. Nous ne consommons que des énergies naturelles, avons un impact minimum sur notre environnement. Tout est recyclé et recyclable, et pourtant nous utilisons des technologies ultra pointues, comme cet appareil qui nous permet de faire des allers-retours dans le temps. Nous ne l’utilisons que pour ramener des œuvres d’art et des connaissances qui, nous le savons, seront perdues dans le cataclysme. Nous nous interdisons de modifier le cours du temps, comme par exemple pour prévenir les populations de ce qui arrive. Après tout, personne ne pouvait ignorer que la permanente recherche de croissance, sur une base capitaliste, sans aucune considération écologique, mènerait à la catastrophe qui est arrivée. Tout le monde savait que le mur était droit devant et qu’ils y fonçaient à 200 à l’heure. C’est ainsi.

Une fois arrivés dans le bureau du responsable culturel pour un débriefing de la mission et surtout lui partager notre butin, il nous annonce une nouvelle mission. Cette fois, ça sera 25 ans après, pour une pièce tout juste acquise par ce même musée. Nous partons dans quelques jours, le temps de préparer notre action.

Cette deuxième mission se déroule très bien. La tactique employée est à peu près la même que la première fois. Cette fois, je suis un ouvreur, c’est moi qui explore les salles avant le groupe. La toile a été découpée, nous sommes sur le chemin du retour. Quand je tombe nez à nez avec le gardien de l’autre fois. Il a pris un peu de bide, quelques cheveux gris, mais c’est bien lui. Il n’a pas peur, moi non plus. Il lève sa lampe-torche vers moi, regarde attentivement mes yeux : « C’est vous. Comme si c’était hier ». Je suis tenté de lui répondre que pour moi c’était il y a 72 heures mais je m’abstiens. Les autres derrière moi restent tapis, figés. Ils attendent que j’agisse. Alors j’agis. Je m’approche de lui. Il se crispe mais ne bouge pas. J’avance jusqu’à être en mesure de lui attraper le bras pour le neutraliser mais il m’interpelle juste avant : « Écoutez ; je ne sais pas qui vous êtes mais je peux vous aider ». Je m’arrête. Comment ça nous aider ? Il continue : « J’ai pas l’impression que vous êtes de simples voleurs. Vous avez choisi des œuvres, pas au hasard. On dirait des collectionneurs, dans le bon sens du terme. Et quand vous avez disparus l’autre fois, j’ai cogité. Et j’en ai déduis que vous n’êtes pas d’ici… ni de maintenant ». Alors là il m’a scié, le gardien. Je décide d’être franc avec lui : « Bien raisonné. Nous mettons à l’abris des œuvres en danger. Je ne peux vous en dire plus mais c’est pour le bien commun ». Il acquiesce, baisse sa lampe torche, et se décale sur le côté, comme pour nous laisser passer. On file sans un bruit. De loin, je lui souffle un « merci » et nous disparaissons.

Lors du débrief, cet incident est débattu en longueur. La question de le ramener à notre époque est vite écartée, il n’y appartient pas et c’est contraire à nos principes. Par contre, que faire s’il parle de nous ? Alors que nous en discutons, quelqu’un surgit dans le bureau : « Un message. Du passé ». Nous avons interféré avec le passé en nous rendant visibles par un homme du XXIe siècle assez malin pour déduire qui nous sommes, et il nous a laissé un message. Une plaque de marbre, gravée, sous les décombres du musée non loin de notre cité. Il nous donne rendez-vous à une date précise, pour nous aider à sécuriser un maximum d’œuvres. Alors ça. Après un rapide tour de table, nous prenons le risque.

Nous apparaissons à la date indiquée. Il nous attendait. Le sourire aux lèvres. C’est un garde proche de la retraite que nous découvrons, l’œil excité, les jambes impatientes de s’activer. « Dépêchons, dépêchons » souffle-t-il. Il a tout préparé. Il nous guide vers la réserve en nous indiquant les œuvres qui selon lui valent d’être sauvées. Nous stockons un maximum de chose dans un coin, sélectionnant méticuleusement les œuvres. Il nous observe, mi-inquiet, mi-fier. Une fois le tour fait, nous nous rassemblons. Que fait-on de lui ? Ce casse sera le plus gros du musée, il nous a délibérément aidés, il sera emprisonné. Mais nous ne pouvons pas le ramener. Alors que nous échangeons, il se rapproche de nous. « Ne vous inquiétez pas pour moi. Je m’arrangerai avec le directeur, il me doit bien ça ». Nous partons. Nous ne le reverrons jamais, notre travail avec ce musée est terminé. Nous ne savons pas s’il vivra assez longtemps pour voir le cataclysme, mais nous espérons pour lui que non.

Nouveau régime politique et rafle

C’est pendant l’hiver que les choses se sont gâtées. Jusqu’à présent, les quelques groupes extrémistes étaient certes inquiétants mais ne représentaient pas de menace concrète. Dans notre vieux quartier où une vie paisible se déroulait, nous nous sentions à l’abri des passages à tabac dont nous avions vaguement écho. À l’université où nous étudions, on parlait peu des affaires politiques. Seul un petit groupe de jeunes au crâne rasé et aux bottines de cuir menaient une sorte de propagande passive en tractant et affichant des mots comme « Révolution ». Mais nous n’y prêtions pas attention.

Julia louait une chambre au-dessus d’une petite épicerie typiquement polonaise. Ma famille était à la campagne et je logeais chez un cousin en ville. Mais je passais la plupart du temps chez Julia, dans cette petite chambre sombre mais haute de plafond. L’unique fenêtre donnait sur un muret servant de renfort à la ligne de chemin de fer qui passait juste au-dessus. Les heures étaient rythmées par le bruit des trains crissant au-dessus de la maison et faisant trembler les quelques bibelots. Malgré cela, Julia avait aménagé sa chambre avec soin, encadrant des photos de nous, affichant des posters de voyages fantasmés et idéalisés.

Un soir du mois de novembre, nous entendîmes les crieurs de rue rameuter la population vers la mairie. Un événement a eu lieu et les citoyens sont priés de s’y rendre pour en être informés. Nous avions un mauvais pressentiment. Julia eut une idée qui me sauvera la vie. Elle ouvrit la porte, grimpa au pallier de l’étage du dessus et attrapa dans l’encolure du manteau du commis de l’épicerie une petite capsule. Il s’agit d’une copie des papiers d’identités, que chacun est censé porter au niveau de la nuque. Elle remplaça ainsi la capsule de ma gabardine. Et nous nous mirent en route.

Arrivés à la mairie, un attroupement nous avait précédé. La foule agitée s’était rassemblée près d’une estrade installée à la hâte, sur laquelle le maire, pantois, tentait de tempérer les protestations. Il finit par attraper le micro qu’on lui tendait et annonça, sans circonvolution, sa démission. Tonnerre dans l’assemblée. Pourquoi ? Comment ? Un homme blond, chemise brune, cravate noire rentrée à mi-chemise, pris le micro. Il annonça un coup d’état à échelle nationale, à effet immédiat. Qu’il n’y avait aucune crainte à avoir et que tout continuerait comme avant. Julia et moi n’étions pas sereins. Nous décidâmes de nous éclipser mais notre retraite fut brutalement interrompue par un grand gaillard, accoutré de la même façon que le type au micro. Nous l’avions croisé quelques fois à l’université, il faisait partie des colleurs d’affiches. Mais cette fois il n’avait rien de passif. Il me saisit par l’encolure du mon manteau de sa grosse main gauche, m’étranglant presque en me retenant. Je ne pouvais lutter contre sa force. Julia lui frappait le bras mais avec autant d’effet qu’une mouche qui importune un bovin. De sa main libre, il scanna ma capsule, un sourire pervers scotché sur le visage. Mais il parut soudain terriblement déçu. « Commis d’épicerie » lit-il sur son scanner. « Rien à signaler, pourtant j’aurais parié que tu étais un sale… » Julia profita de son désarrois pour me glisser tout bas « Vite, filons ! ». Je me dégageais sans peine et attrapant Julia par la main nous traversâmes la foule. Alors que nous atteignions la rue, le grand gaillard cria aux autres chemises brunes « Rattrapez-les ! Ils ont dû brouiller leurs capsules ! ». Nous profitions de la pénombre pour nous glisser dans les ruelles sans lumières.

Après presque une demi heure de détours en faisant attention de ne pas être suivis, nous arrivons chez Julia. Essoufflés, apeurés, nous échangeons un regard. Nous n’avions pas parlé depuis la mairie. En refermant la porte, je me rends compte que nous sommes à une adresse identifiée ; l’adresse de Julia est renseignée dans le registre municipal. S’ils nous cherchent, ils nous trouveront. « On doit s’enfuir », je lui dis. « Il faut quitter cette ville, c’est trop dangereux ». Julia semble perdue : « Mais pour aller où ? Notre vie est ici ! ». Je réfléchis à toute vitesse. Au loin, j’entends les crissements des rails annonçant le passage imminent d’un train. « Prenons le premier train ! On monte en marche, il nous amènera à l’autre bout du pays, dans la campagne. Là-bas, nous serons en sécurité ». Le visage de Julia s’éclaire ; elle trouve l’idée bonne. Mais il faut brouiller les pistes. J’entreprends de rassembler quelques effets personnels qui traînent dans la chambre et d’en détruire une partie ; le reste, hop, dans un sac. Pendant ce temps, Julia consulte sur son ordinateur multi-écrans des informations concernant les régions campagnardes : villages, densité de population, arrêts desservis par le train. De mon côté, je me suis attaqué aux disjoncteur électrique, qui ressemble à un jouet en bois pour enfant. Je retirer des cube, des triangles, j’inverse des blocs de place. Il ne me reste plus que le cube relié à l’ordinateur. « Vite Julia, je vais couper ! ». « Un instant, je note juste les dernières stations… ». Tandis qu’elle griffonne à la hate des mots sur un papier, la main sur le cube, je m’apprête à le retirer quand soudain : BOOOOM, BOM BOM !

La porte. Elle vient de trembler comme jamais. Nous sommes pétrifiés. Toujours la main sur le cube, je porte tout doucement mon doigt sur les lèvres pour faire signe à Julia de… ne… pas… faire… un… bruit. Je descends de mon escabeau et colle l’oreille à la porte. Aucun doute, on s’affaire derrière. Ce que l’on vient d’entendre n’était pas une sommation, non ; c’était tout simplement un bélier ! On veut enfoncer la porte !

Je saute sur l’escabeau, finit de saboter le disjoncteur, presse Julia vers la fenêtre et l’ouvre en grand. Un souffle glacial s’engouffre dans la pièce devenue sombre. Tandis que Julia ajuste son écharpe, je crie « Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? ». Aucune réponse. Je porte Julia sur le rebord de la fenêtre et elle grimpe par l’échelle de secours jusque sur le toit. De là, elle pourra atteindre la voie de chemin de fer. J’attends qu’elle soit en haut pour m’élancer à mon tour. Au moment où je mets un pied sur l’échelle, un nouveau BOOOOOM retentit dans la chambre. Ils insistent. La porte ne va pas tenir longtemps. Mais nous aurons fui. Le train que nous entendions tout à l’heure est déjà loin mais nous attraperons le prochain. En attendant, nous courrons sur les rails dans la nuit. La neige commence à tomber. Le froid nous glace les os plus vite que je ne l’aurais pensé. Nous devons continuer. Nous ne devons pas nous arrêter. Sinon, c’est la fin. Il faut. Poursuivre. Nous devons. Nous…

Dans la cage d’escaliers, le silence règne. Puis, doucement, une main s’appuie sur l’extérieur de la porte de Julia. Avec difficulté, une ombre se redresse. En se relevant, elle provoque un nouvel écroulement et un nouveau BOOOM retentit. Cette ombre, c’est le commis, qui pour préparer les étals de demain matin avait voulu prendre de l’avance et ramenait du stock depuis la remise au grenier. Lorsque le disjoncteur a fait sauter la lumière de la cage d’escaliers, il s’est pris les pieds et est lourdement tombé avec sa marchandise, s’écrasant contre la porte de Julia.

Tour Eiffel, iPhone et XIXe siècle

Je me promène dans la rue, tranquillou. Il n’y a pas grand monde, je croise un monsieur d’une soixantaine d’années et une jeune femme, la trentaine, quand soudain une sorte de boule lumineuse nous entoure, moi et deux autres passants. Des éclairs en jaillissent, on ne peut plus bouger : un jet de lumière blanche nous aveugle et quelques instants plus tard, on se retrouve tous les trois le cul à terre. Sur la place du Trocadéro. Allons bon.

On se regarde éberlués. Il fait gris, les nuages sont bas. Et surtout, les passants n’ont rien de normal. Ils sont drôlement habillés, comme déguisés pour un film historique. Mais ils nous ignorent poliment, pas de doute ce sont bien des parisiens. Alors que la jeune femme et moi nous relevons, le monsieur décide que rien à foutre et s’enfuit à travers la foule, en hurlant. J’ai à peine le temps de lui crier « Hey, attendez ! » qu’il a disparu. Il nous laisse en plan, c’est bien malin et je le regarde disparaître au loin. Mais. Quelque chose cloche. Il manque un truc au décor. Je m’approche du rebord de la place, là où les vendeurs à la sauvette devraient se trouver pour me fourguer des tours Eiffel miniature mais il n’y en a pas : ni vendeurs, ni… Je cours chercher l’autre rescapée et la traine par le bras vers le promontoire : « Venez voir » je lui dis, « Mais venez voir ! ». Comme moi, elle reste bouche bée devant le spectacle. Pas de tour Eiffel. Là où elle devrait se trouver il n’y a que des nuages, et un immense chantier. Quatre pieds sortent de terre et des dizaines de grues s’affairent autour. Et on regarde autour de nous : les dames portent des chapeaux et ont des ombrelles repliées, les messieurs ont les souliers vernis, la moustache fine, le costume complet et beaucoup ont une canne. « Oh. Pu. Tain. On est en 1887 ».

Ma première réaction est de me rendre compte que je crève de faim. Il faut trouver un truc, et vite. Je dis à la fille de rester là, je reviens. En vitesse je rejoins l’entrée du Trocadéro et oui, comme à notre époque, il y a quelques vendeurs de friandises. Pas de marrons chauds ni de crêpes au chocolat ici, mais une sorte de pain brioché fourré au sucre. Parfait. Je sors de ma poche un billet de 20 €. Bah ouais gros malin, tu pensais que remonter le temps allait changer tes euros en vieux francs ? Je tends quand même le billet à la jeune fille qui vend les brioches. Elle le scrute avec attention et me dit « Oh, chic, un billet étranger, il doit avoir de la valeur ! Je vous l’échange ! » Et hop, elle me file, en plus de mes deux brioches, une énorme liasse de liquide. Genre toute sa caisse. « Merci bien » et je me tire, un peu honteux, mais avec un bruit de machine à sou dans la tête.

On dévore notre brioche, bordel c’est trop bon. Puis on se demande ce qu’on fout là. D’abord on se présente, parce que mine de rien on est dans la même galère et on sait pas qui est qui. Elle me donne son prénom, me dit qu’elle rentrait du boulot, qu’elle est mariée, sans enfant, un chat, un abonnement Netflix et ne comprend pas ce qu’elle fout là. Pas mieux pour moi. Peut-être que c’est temporaire. Une sorte de bond, un aller / retour express. Les minutes passent, mais non, rien, pas de boule lumineuse comme tout à l’heure. Peut-être qu’il faut qu’on soit à nouveau réunis tous les trois pour que ça se déclenche, on se dit. Sauf que l’autre con il s’est barré comme un pet et on ne le retrouvera jamais, à moins de faire le tour des commissariats et des asiles. Mais là, la flemme.

Et puis on se dit que rien à foutre, en fait. On est à la plus belle époque de Paris, à l’aube de l’exposition universelle. On a le droit de profiter un peu. Et j’ai la blinde de billets dans la poche. Du coup, direction les grands magasins, histoire de goûter à la mode de l’époque. Je fais un tour chez le barbier qui m’ajuste la moustache, pendant qu’elle se fait faire une robe sur mesure. Moi dans mon costume ajusté, appuyé sur une fine canne, on dirait un dandy. Je me fonds à présent totalement dans la masse, ce qui évite maintenant d’attirer les regards sur nous.

Les jours passent et on s’amuse comme des petits fous : cabarets, restaurants, bistros concerts. On profite de Paris comme jamais. Finalement, j’aime bien cette ville. Un matin, au fil d’une promenade, nos pas nous ramènent sur la place du Trocadéro. Ha ! Ca fait une semaine qu’on est là et on s’est plutôt bien intégré. On prend un décision complètement dingue mais qui nous empêchera de devenir fous : on s’est fait une raison, on ne repartira jamais. C’était un aller simple, involontaire, mais plutôt que de nous morfondre, recommençons tout. On change de nom, on apprend un métier, et on s’installe. Voilà, c’est décidé. Mais pour que nos familles respectives ne s’inquiètent pas de notre disparition, et pour jouer un tour aux gens du futur, enfin nos contemporains du XXIe siècle, on décide de laisser un message. Pour ça, je sors mon iPhone de ma poche (c’est fou comme sans réseau il économise sa batterie), je prends plusieurs photos de la tour Eiffel en construction, quelques selfies avec ma camarade d’infortune et éteins l’objet. Le lendemain, je suis au Comptoir national d’escompte de Paris, qui deviendra plus tard la BNP, à ouvrir un compte et acquérir un coffre fort pour 130 ans. J’y enferme mon iPhone avec une note manuscrite : « À n’ouvrir qu’en 2017. LOL. ». J’aurais adoré voir la tête de ceux qui ouvriront ce coffre scellé depuis plus de 100 ans et découvriront un téléphone qui a traversé les âges, contenir des photos authentiques de la construction de la tour Eiffel. Mais bon, je ne serai plus là depuis longtemps. Et puis il faut en profiter, la guerre de 14 arrivera bien assez tôt.

Je m’en vais dans les rues de Paris, chapeau haut de forme, costume ajusté, chercher du travail dans une agence de réclame. Je me dis que je peux profiter juste ce qu’il faut de mes connaissances historiques pour glaner quelques économies et acheter un immeuble par-ci, par-là… À céder à mes héritiers du XXIe siècle. Et essayer de devenir pote avec Maupassant.

Merging

Nous sommes en voyage de presse organisé à l’étranger. On visite quelques endroits pour faire des photos accompagnés de notre guide : une jeune femme aux cheveux très blonds. Arrivés à un point de vue, en face d’une montage, nous apercevons un avion qui semble en phase d’atterrissage mais il s’arrête soudainement, comme s’il était en vol stationnaire. Son fuselage s’ouvre pour laisser place à une ouverture béante ; il se transforme en fusée, crachant des flammes bleues. Nous comprenons que nous assistons à quelque chose d’extra ordinaire mais nous sommes pétrifiés par la surprise et l’effroi ; aucun d’entre nous ne pense à prendre une photo alors que nous avons tous un appareil en mains. Seule notre guide ne semble pas surprise.

Il se dégage d’elle un sentiment particulier, réconfortant. Comme si par la pensée elle nous disait que tout allait bien, que tout était normal.

Une fois que l’avion a atterri sous forme de fusée, notre guide nous mène dans ce fameux aéroport. Qui n’en n’est pas un. Il s’agit davantage d’une base militaire. On nous amène dans une sorte de café au sein de la base. Notre guide nous dévoile alors où nous nous trouvons et en quoi elle est liée à tout cela. Il s’agit d’un avant-poste alien dans lequel son espèce travaille à s’adapter à la Terre. À plus grande échelle, son peuple veut peu à peu se mixer avec les humains. Je lui demande pourquoi ils ne le font pas dès à présent. Notre guide me lance un regard triste puis, le temps d’un éclair, reprend sa forme naturelle : une sorte d’horrible ver géant, sans yeux, plein de dents, suintant. Ce bref aperçu de sa véritable nature me glace le sang. « Parce que nous ne sommes pas prêts » me dit-elle. Puis elle explique que pour réussir à se mixer, son espèce doit peu à peu, génétiquement, évoluer pour prendre une apparence humaine durable. Mais ça n’est pas tout ; comme cela prendrait trop de temps, ils modifient également l’homme pour se rapprocher se son espèce, jusqu’à trouver un juste milieu.

Puis notre guide est soudainement extrêmement triste. Elle ne verra jamais ce jour où les deux espèces auront assez évolué. Elle est elle-même le résultat d’une transformation accélérée, elle a été créée en laboratoire ; mais cette technique implique une durée de vie assez courte. Je me demande combien de milliers d’années un être de son espèce vit normalement.

Sur ces révélations écrasantes, notre guide nous propose de nous ramener chez nous en empruntant une de ces fusées-avions, qui n’est autre qu’un de leur vaisseaux déguisé en classique avion de ligne pour passer inaperçu. Nous grimpons à bord, l’intérieur est très différent de ce que nous connaissons. Je rentre chez moi en repensant à la guide. Pourquoi est-ce qu’elle est venue nous chercher ? Et pourquoi nous raconter tout ça à nous ?

Inception

Nous sommes trois. Nous explorons une ville que j’imagine en Amérique latine, où les platanes sont remplacés par de gros ensembles d’arbres tropicaux. Les lianes ont trouvé leur chemin jusqu’en haut des immeubles, pour la plupart hauts de deux à trois étages maximum. À divers endroit de la chaussée des plantes on percé le bitume et poussent droit. Les rares voitures les évitent, et nous évitent aussi car nous déambulons au milieu de la rue. On s’en fiche car on sait que tout est factice. Cette ville n’existe pas. Ses habitants non plus. Mais eux, ne le savent pas.

Cette ville est un véritable labyrinthe. Nous savons ce que nous sommes venus chercher mais nous n’en connaissons ni l’emplacement, ni la forme exacte. Une « perturbation ». Quelque chose qui met en danger tout ceci. Cette perturbation peut prendre n’importe quelle forme mais ce qui est sûr c’est que les habitants en ont conscience, même s’il ne pourront ni la nommer, ni l’expliciter. La perturbation fonctionne comme un tourbillon, qui inéluctablement les attire. Alors on se dit qu’avec un peu d’aide, un habitant nous y mènera.

Comme on s’avance dans la ville, on en profite pour l’observer plus en détail. Elle ne foisonne pas du tout, elle ressemble davantage à une ville à l’abandon. Quelques rares boutiques ont leur rideaux de fer baissés, il semble qu’on soit tombé en période de congés. Des panneaux publicitaires vantent un spectacle unique en ville, dans un cabaret. Des enfants jouent au ballon, des ombres étendent du linge au balcon. Il fait chaud mais nous ne ressentons pas cette chaleur.

Quand je m’approche d’un habitant, il a le regard fuyant et me dit qu’il est occupé et ne peut pas répondre à mes questions. C’est vraiment parti en vrille ici. On tombe dans une rue un peu plus commerçante. Un vendeur tire son rideau de fer, fin de journée. On le bloque pour le forcer à nous répondre. Ca n’est pas très clair mais il nous recommande d’aller prendre un verre au café du coin. Je jette un oeil dans la direction de l’établissement, une baraque avec une belle terrasse ombragée au premier étage et un néon éteint : le même nom que le cabaret de la pub. Lui même va aller y prendre un verre et sans nous dire pourquoi, il pense qu’on devrait y aller aussi. J’ai l’impression que s’exprime à travers lui la perturbation.

On entre dans le bistro, désert. On fait le tour : rien. C’est déprimant, cette solitude. On retourne à l’intérieur, on emprunte les escaliers qui mènent à la terrasse et là on se dit que cet enfoiré s’est vraiment foutu de notre gueule. Il surgit derrière nous : cette fois il s’exprime normalement. Il est un peu tendu mais pas stressé. Cela fait longtemps, selon-lui, qu’il n’avait pas pu parler à des gens « normaux ». Sa réaction devant sa boutique n’était qu’une ruse pour nous tester. Okay donc on tente de s’expliquer : qui est-il, pourquoi nous a-t-il fait venir ici ? Pour réponse, il se contente d’un long silence. Ses yeux légèrement exaltés nous regardent tour à tour. Il sue dans sa barbe. Puis il nous emmène dans une petite pièce et nous invite à nous installer autour de la table. Il sort un appareil, une sorte de croisement entre un outil respiratoire et un ordinateur bidouillé. « Voilà », dit-il. « J’ai inventé ça. » Il me faut quelques secondes pour comprendre de quoi il parle. Je suis ébahi. Il poursuit : « Avec cet appareil on peut s’échapper dans une réalité parallèle imaginaire. On peut aller dans ma tête si vous préférez. Et on peut y rester tant qu’on veut. Depuis que j’ai commencé à faire voyager les gens là-dedans, tout le monde a commencé à vriller. Ils ne veulent plus vivre dans leur quotidien habituel. Ils veulent vivre là-dedans ». Mes deux compères et moi l’écoutons silencieusement. « Mais le pire », continue-t-il, « c’est qu’une fois là-dedans ils oublient tout de la réalité. Et là-dedans ils ne savent pas qu’ils sont faux, qu’ils sont juste des programmes ». Bon. On a vraiment un problème. « Montrez-nous ça », lui dis-je. Et il nous branche. Et on est parti dans sa réalité. Chez lui, dans sa tête.

La ville est similaire mais il y a bien plus de monde. Tout le monde est là en fait. Chacun semble vivre pleinement sa vie. S’en suit un enchaînement assez incroyable de circonstances : nous avons démarré tous les quatre éparpillés dans la ville. Sans moyen de communication nous tentons de nous retrouver mais notre hôte, lui, a un rôle différent. Sorte de dictateur autoproclamé, il vit une vie de pacha et ne compte pas s’en défaire. On comprend que tant qu’on ne lui a pas fait reprendre raison, nous sommes coincés dans sa tête. Plusieurs jours de traque, de poursuites, de tentatives d’enlèvement finissent par aboutir. Il tente de négocier : « Attendez, je vois un terrain d’entente. Quelqu’un a inventé une machine pour s’évader de notre réalité. On pourrait y aller ensemble et tout recommencer ? À pied d’égalité ? Vous serez autant roi que moi ». Bordel il recommence. Je lui colle une paire de claques et lui explique que nous sommes déjà dans sa tête. Il ne comprend pas. Et s’il ne comprend pas, s’il ne prend pas conscience que ce monde est fake, on est coincé avec lui. Bordel.

Mais on se réveille. Ca n’est pas lui qui l’a déclenché sciemment. C’est son associé que je ne connaissais pas, qui, inquiet de ne pas le voir, s’est douté qu’il s’était échappé dans son imaginaire. Notre hôte reprend ses esprit, suant, suintant. « Combien de temps nous y sommes restés » je demande. « 16 heures » me répond l’acolyte. Dans l’imaginaire, le temps défile plus vite. Bien. Donc au final on ne sera pas parti si longtemps. Je me place en face des deux gars. Et je leur lâche tout. « Écoutez-moi. Vous êtes un programme. Cette ville n’existe pas. Votre vie n’existe pas. Vous pensez vous échapper dans votre imaginaire mais vous vous enfuyez en réalité dans un autre programme, que vous avez écrit vous-même. Nous allons mettre fin à tout ça. » Leur mâchoire ne pourrait pas se décrocher davantage. Ce ne sont que des programmes destinés à animer cette réalité imaginaire dans laquelle nous nous trouvons, mon équipe et moi. La machine qu’il nous a présentée, c’est précisément une machine similaire qu’utilisent chaque jour des milliers de personnes, et que nous avons utilisée pour venir ici identifier l’origine de la perturbation dans ce monde malade. Et la perturbation, c’est donc ce programme, incarnant un homme barbu, qui a inventé un dispositif similaire pour reproduire la même chose. Il ignorait qu’il était un programme, évidemment, mais comment a-t-il pu imaginer le même concept ? Comment a-t-il pu développer une telle autonomie jusqu’à inventer quelque chose ? Nous ne nous donnerons pas la peine de l’étudier. Trop dangereux. Et surtout il nous a montré les dérives de notre simulation : les gens passent maintenant leur temps à fuir leur quotidien pour vivre une nouvelle vie, quitte à tout recommencer s’ils en ont marre.

On se déconnecte. Lumière blanche intense. Nous sommes de retour au centre de simulation. Les contrôleurs ont tout suivi sur leurs écrans. Personne ne dit un mot. Je me relève de ma banquette, regarde ma montre. Nous sommes restés un peu plus de 8 heures dans la simulation, même si du coup nous avons vécu en réalité trois jours pleins. Je comprends pourquoi on devient vite accro. « Coupez-moi ça », je dis à un gars derrière une console. Et la simulation s’éteint. Le barbu n’est plus. Son petit royaume n’est plus. Tous les habitants ne sont plus. Je tire le rideau de fer de mon vestiaire, fin de journée.

Interface Homme – Alien

Navette spatiale en approche de la lune. Nous avons décollé il y a quelques heures et mon commandant ne m’a toujours pas informé de la nature de la mission. Nous ne sommes que deux dans la navette. Nous formons une petite équipe de maintenance, chargée d’approvisionner les bases qui gravitent en orbite ou sont implantées sur la lune, effectuer quelques réparations, ou des opérations de sécurité. Cette fois-ci, cela change de l’ordinaire. Mon commandant me demande de nous placer en orbite au-dessus de la lune, puis nous attendons. Pas très longtemps en réalité, car je vois sur le pare-brise de la navette se coller une forme gélatineuse, transparente, qui semble s’étendre sur toute la paroi vitrée, s’en imprégner doucement puis, de manière extraordinaire, apparaître peu à peu à l’intérieur de la navette. Mon étonnement me laisse muet, tandis que le commandant souris. Il m’explique en quelques mots qu’il s’agit d’une forme de vie inconnue qu’il a rencontrée il y a peu par hasard, au cours d’une mission, sans m’en informer. Qu’elle est douée d’intelligence et peut mélanger son ADN à d’autres choses pour les traverser sans les briser, comme elle l’a fait avec cette vitre. Notre mission aujourd’hui : trouver une interface homme – alien qui permette de communiquer avec elle. Spontanément je tends une sorte de magnétophone. Nous l’approchons de la chose mais elle ne s’en empare pas, elle s’amuse juste à traverser les jointures sans utiliser le haut parleur. « Peut-être est-ce trop limité pour elle » dit le commandant. « Il lui faudrait une interface plus complexe ». Et il me dévisage. « Ah non, non, non ! » je réponds. Je ne me laisserai pas pénétrer par cette chose. C’était pourtant une très bonne idée, il faut le reconnaître. Mais le temps que l’on échange, elle s’était enfuie.

Nous descendons nous poser sur la lune. Nous enfilons nos scaphandres puis allons fouler ce monde froid et silencieux. Depuis que sur Terre les espèces animales ont commencé à s’éteindre, la lune est devenue un immense réservoir de faune et de flore. Bien sûr, rien n’est réel. Nous marchons à travers des groupes de dauphins, des troupeaux de cerfs, des montagnes de verdure, le tout réduit à l’état holographique. Nous passons au travers de ces animaux, présents à perte de vue. Parfois nous croisons des immeubles. Eux aussi sont faux, mais on peut pénétrer dans certains, car il y a en réalité une base installée dessous. Nous avançons dans ce monde coloré sous un ciel noir. Ces projections holographiques vous font complètement perdre le sens des réalités.

Pourtant, à un moment, nous la voyons. « J’en étais sûr » dit le commandant dans un souffle. Elle était en face de nous, sans scaphandre, rayonnante d’une beauté jamais vue. L’interface homme – alien parfaite. La chose avait pris vie à travers le corps humain d’une femme et venait à présent vers nous. Nous avançons en silence, hypnotisés par ce qu’elle dégage. À quelques mètres de distance, nous nous arrêtons. Elle nous observe, nous la scrutons. Puis ce sont les premières paroles. Elle nous pose des questions, nous concernant à la fois mon commandant et moi-même, et le reste de la population. Elle semble avoir observé la Terre depuis quelques temps et a jugé nécessaire de prendre contact pour comprendre davantage. Comprendre comment on en est arrivé là. Comprendre où ont disparu toutes les formes de vies qui existaient auparavant. Nous n’avons pas de réponses. Alors elle s’enfuit.

Nous la poursuivons à travers les faux dauphins, d’immenses baleines qui sautent autour de nous, puis à travers des immeubles. Elle se réfugie dans l’un deux. Voit-elle la différence entre les projections et les véritables structures ? Nous ne la retrouvons pas. Nous retournons à notre navette. Au pied du sas, nous trouvons son corps inerte. Elle avait couru jusqu’ici, puis avait abandonné son enveloppe. En silence nous prenons son corps sans vie dans nos bras et espérons qu’il se ranime. Mais rien ne se passe.