Agent secret d’un jour

Le briefing est simple : c’est à cette petite gare de banlieue qu’une jeune ado prend le train pour rentrer chez elle après les cours. On vient d’apprendre qu’un groupuscule mafieux va tenter de l’enlever pour demander une rançon à son richissime père. A nous d’empêcher cela.

Nous sommes cinq dépêchés en catastrophe sur place. Le chef du groupe nous répartit afin de repérer et accompagner la jeune fille. Comme les trains partent toutes les trois minutes, il se pourrait qu’elle soit déjà montée dans l’un d’eux : une partie de l’équipe monte sur le toit du train en partance, afin de repérer les malfrats. Je monte dans le suivant, et repère notre objectif. Je fonce vers elle tandis que, de l’autre côté du wagon, j’aperçois deux hommes en noir équipés pour l’assaut. J’attrape la jeune fille par le poignet et nous sautons du train qui vient de démarrer, côté rails. En deux mots je lui présente la situation, puis nous courons vers la gare. Du toit du train que l’on vient de quitter mon chef me crie de prendre le suivant, tandis qu’ils s’occupent des bandits. Ce que l’on fait, en essayant de se faire remarquer le moins possible. Le train démarre avec heurts, puis nous filons. Je guette les nombreux passagers. Pas de menace immédiate. La jeune ado m’observe en silence, quand un contrôleur vient nous demander nos titres de transport. Pour assurer notre discrétion, je ne peux pas sortir ma carte d’agent spécial : je dois rester le plus discret possible. Et pour une raison qui m’échappe, la jeune fille n’a pas de titre non plus, ou alors elle fait semblant. Du coup le contrôleur s’énerve, tandis que je m’escrime à lui faire comprendre qu’il serait dans son intérêt d’aller voir ailleurs. Mais ces esclandres attirent le regard, et à la première station nous sommes contraints de descendre, mais pas par la porte : à nouveau en sautant sur les rails. Le train repart, nous attendons le suivant, qui arrive presque aussitôt.

On monte. Mais après réflexion, je ne sais pas où mon patron veut que le rejoigne ; il ne m’a laissé aucune indication quant au lieu de sûreté qui a été choisi et je n’ai pas de radio sur moi. On trouve deux places assises. Alors je commence à bavarder. Je lui demande de réorganiser sa coiffure, en retirant un certain nombre de barrettes, afin de confondre l’ennemi. « D’accord, mais je garde ces deux-là » me dit-elle.
A la station qui suit, montent deux militaires vigie-pirate, arme au poing. Des confrères éloignés, qui ne le savent pas. Ils montent pour nous, le contrôleur les a prévenus. D’emblée ils nous interpellent, exigeant de voir titres de transport et papiers d’identité. Même discours que précédemment. J’hésite à les mettre au jus. Mais leur tête reflète un air tellement ahuri que je me résigne, ils seraient capables de tout faire capoter, en pire. Seule échappatoire : l’escapade. Le train traverse à petite allure les banlieues résidentielles, c’est le moment. D’un regard la jeune fille m’a compris, et nous sautons par la porte de secours. Le train s’arrête, mais pas nous. Le temps que les militaires réagissent, nous sommes déjà derrière quelques pâtés de maisons.

Fiers de notre coup, on se tape un give me five. Bon, du coup il va falloir ’emprunter’ une voiture. Et tandis que je m’affaire dans une rue peu fréquentée, une grosse BM noire surfit au coin, crissant des pneus comme pas deux. Un gros mec en costard et lunettes noires s’assied sur le rebord de la fenêtre, uzi à la main. Pas de doute, c’est pour nous. Je crochète la portière à temps, on démarre au quart de tour. C’est parti pour une course-poursuite dans les suburbs.

Etat de siège

La grande plaine est bordée de forêts et maquis. Voilà un mois que la guerre fait rage et chaque jour l’ennemi progresse. Notre campement, formé de nombreuses tentes et de constructions précaires tien bon face aux attaques.
Je fais partie des espions, de ceux qui agissent dans l’ombre sans se contenter de récolter des informations. Et malgré sa forme très atypique – une armée de bonbons géants humanoïdes – l’ennemi est plus acharné que tout autre. Le but de cette armée de couleurs : décimer l’espèce humaine. Nos troupes sont le dernier rempart avant la victoire du sucre sur nous. Menés par une marquise très chic, nous nous défendons, baïonnette au canon, tant bien que mal.
La particularité de cette guerre est que l’ennemi progresse très lentement. C’est une guerre contre le temps, en réalité : chaque jour les premières lignes colorées gagnent quelques mètres. Encore deux jours et ils atteindront nos tentes. En attendant, personne ne peut rien faire. Oui c’est ainsi.

La particularité d’être un espion est aussi d’être proche du commandement. La Marquise requiert mon escadron : un pli envoyé par l’ennemi vient d’arriver. Il annonce que nos lignes sont infiltrées par une de leurs bombes vivantes. Cette franchise ne m’étonne guère, ces bonbons sont hargneux et prétentieux. Alors que la discussion progresse dans le QG, je sors faire quelques pas. C’est le jour de lessive, chaque jeune homme doit changer de t-shirt. J’observe ce manège sans grande attention, quand je vois un jeune garçon qui retire son t-shirt.. et en a un autre sur lui ! Pas de doute, la taupe c’est lui : les bonbons ennemis savent prendre l’apparence humaine, mais partiellement. Son corps est certainement fait de guimauve ! Je hèle un de mes hommes tandis que je me jette sur la bombe vivante, le plaque au sol et le bâillonne aussi sec. Je l’amène dans une tente pour l’interroger en compagnie de la Marquise et de ma troupe. Le prisonnier reprend alors sa forme horrible de bonbon raté, fondu, coloré à souhait et au regard démoniaque. Dans un grand rire il annonce alors notre perte. Car pendant ce temps, les lignes ennemies ont progressé. Il ne nous reste plus qu’à s’équiper et amorcer le combat. Ca va trancher.

Jusqu’au bout

Ca y est, l’année scolaire est terminée, j’entame mon nouveau stage. C’est mon premier jour, et un sentiment étrange m’anime. Normal, puisqu’il se déroule dans la boîte dont je me suis enfui l’année dernière, où le souvenir de mon passage éclair ne doit pas être glorieux.

Qu’importe, je pénètre hardis dans le grand bâtiment, et amorce une tournée de poignées de mains. « Salut, je suis revenu » ; « Eh oui, me revoilà » ; « Tiens, comment vas-tu ? On va à nouveau bosser ensemble »… Etc, en partant des entrepôts et magasins jusqu’aux différents services d’achat, de gestion, les saluant tous, sans exception. Chacun me regarde avec des yeux écarquillés, aucun ne prononce un mot. L’ambiance est tendue mais ça passe. Jusqu’à quand ? J’évite cependant le service marketing et communication, les mauvais souvenirs prenant le dessus. Et me dirige vers la direction, qui a changé entre-temps. Ils sont deux. Très étonnés de me voir eux aussi, incrédules. Normal, ce sont les patrons de l’agence de com’ où j’ai effectué mon stage à la suite du premier inachevé. Il avait bien commencé, mais la fin s’était avérée salutaire. Leur sourire est mitigé, je sens même un regard paniqué chez l’un des deux. Ah ah, ça va être chouette ce stage, non ?