Espionnage industriel

Pékin, plus ou moins 2050. Dans mon imper de plastique, avec un vieux chapeau vissé sur la tête, je sors du taxi autonome pour me diriger vers l’entrée cet hôtel art-déco. On croirait qu’il est dans son jus, mais c’est juste le style qui est était à la mode il y a quelques années. Elle sort de l’autre côté du taxi et me rejoint sur le perron. On ne voit que son menton, sa capuche recouvrant presque tout son visage. La fine pluie coule sur son imper, en plastique blanc. Elle me regarde, sans décocher un mot. Je lui souris. Et nous rentrons.

Le hall est vaste et lumineux, dans les tons globalement crème et beige clair. Les lampes, les canapés, les tapis, tout semble tendre vers une couleur sable délavé, comme pour contraster au maximum avec la noirceur de l’extérieur. Tandis que je signe le registre, le type de l’accueil la dévisage avec une moue interrogateur. Après avoir scanné nos pièces d’identité, il nous tend deux clés et nous indique l’ascenseur. La chambre est au quatrième.

Spacieuse, confortable, salle de bain séparée, un espace bureau correct. J’y dépose ma sacoche, en sors mon ordinateur, et me connecte au wifi de l’hôtel pour envoyer quelques messages, comme un « Bien arrivés » à mon patron. Pendant ce temps, elle a soigneusement accroché son imper au porte-manteau (je me suis contenté de poser le mien sur la chaise), avant de faire le tour des pièces et s’allonger sur le lit, comme exténuée du voyage. Bon, ok, 12h de vol, plus l’aéroport et tous les contrôles, ça doit fatiguer. Je lui propose d’aller manger quelque part.

La soirée fut douce.

Le lendemain matin, je me réveille seul dans la chambre. Elle a dû descendre prendre son petit déjeuner. J’ai un peu trop dormi. Douché, habillé, je décide d’aller prendre un café en ville. J’ai rendez-vous en milieu de matinée, je pourrai ainsi repérer l’endroit et m’installer tranquillement avec un journal. La météo est plutôt clémente mais je ne quitte pas mon imper ni mon chapeau. J’aime bien le côté Blade Runner de cet accoutrement et en vérité, si je veux être reconnu, je n’ai pas intérêt à me changer. Je feuillette le journal en observant la rue depuis la terrasse d’un café. Mais mon rendez-vous ne se pointe pas. Après une demi-heure d’attente, je décide de rentrer à l’hôtel. Arrivé dans ma chambre, je l’entends dans la salle de bain. J’ouvre mon ordinateur et je reçois un message : il m’attend dans la rue, en bas de l’hôtel. Intéressant, je ne me rappelle pas lui avoir dit où je séjournais. Mais je joue le jeu. J’ai oublié mon imper sur ma chaise, mais tant pis, je poursuis. Une fois en bas, le type du rendez-vous me propose de nous installer au café juste en face, ce que nous faisons. Il est nerveux. Une fois que le serveur nous apporté nos tasses, il sort un ordinateur portable et me montre des photos d’elle et moi, à l’aéroport. Puis il me demande : « Est-ce qu’elle fonctionne bien ? Combien elle vaut ? ». Je lui souris. « Elle n’est pas à vendre », je lui réponds. « Juste, elle existe. C’est tout. ». Il semble ne pas comprendre. Il ferme son ordinateur, regarde autour de lui. Il veut s’enfuir. Je le retiens par le poignet, il semble paniqué. « Pas si vite » je lui dis. « Et vous ? Elle est où ? ». Mais il ne répond pas. Il gémit, blêmit, sue tout ce qu’il peut, tente de se dégager de moi mais j’ai la poigne ferme. Il regarde par-dessus mon épaule : l’hôtel.

Je traverse la rue sans même regarder les voitures et monte quatre à quatre les escaliers. La porte est grande ouverte et la chambre retournée. Mon ordinateur a disparu, elle aussi. « Tout va bien ? » je lui envoie mentalement. « Oui. Je suis sur le toit. Deux agents avec moi. Ils m’ont emmenée de force mais je me suis laissée faire ». « Montre-moi » je lui demande. Et instantanément, je vois à travers ses yeux. Ils la retiennent pensant la dominer et lui demandent de livrer des plans, sinon ils la balancent par-dessus la rambarde. C’est là qu’elle décide d’intervenir. Comme si elle attendait d’avoir fait la connexion avec moi. En une fraction de seconde, elle bloque le bras du type à sa droite et décoche un coup à la gorge de celui à gauche. Il suffoque, elle se retourne vers le premier et lui plante deux doigts dans les yeux. Il tombe en hurlant et s’écrase au sol. Elle se retourne vers l’autre, qui a repris sa respiration. Elle s’enroule autour de lui, cherche un port de connexion. Tout le monde en a un aujourd’hui, il doit forcément en avoir un. Elle le trouve derrière une oreille et s’y engouffre. Comme aspirée dans sa pensée, elle explore chaque recoin et y découvre ce que nous voulions savoir : non, le gouvernement Chinois ne semble pas avoir développé d’IA humanoïde du même niveau qu’elle ; les infos que nous avions captées n’étaient que du bluff, comme nous le présentions. Ils sont paniqués à l’idée de son existence et voudraient la neutraliser. Ils n’avaient pas connaissance de sa forme humaine et donc ne soupçonnaient pas qu’elle m’accompagne. Elle le relâche pour qu’il puisse aller raconter ce qu’il a vu. Hébété, il s’enfuit.

Je me déconnecte d’elle. D’un clignement d’œil, je lance le replay de la micro caméra de surveillance que j’avais installée en direction de la porte de notre chambre. Les deux gars sont entrés pile au moment où je m’installais au café avec leur collègue. Elle était allongée sur le lit, elle avait dû percevoir leur présence bien auparavant. Elle a bien joué son rôle.

Nous rassemblons nos affaires et quittons l’hôtel. Oui, c’était osé de venir en territoire ennemi avec notre prototype incroyablement avancé. C’était mon idée. Faire fuiter que j’étais devenu rogue, que je voulais vendre des infos au camp d’en face. Pour en réalité leur étaler au visage notre avancée, leur mettre un tel coup de pression qu’ils abandonnent toute course à l’armement. Qu’ils lâchent leurs recherches. Nous sommes trop loin devant.

Comme prévu, aucune complication à l’aéroport. Comme prévu, la peur s’est installée chez eux. Prochaine escale : Moscou.

Effondrement et fuite spatiale en cocon

C’est arrivé d’un coup. Plus d’électricité, plus d’eau, plus de communications, plus rien. D’un coup. Comment survivre dans ce chaos ? Il y a des gens un petit peu partout qui ont pacté leurs valises dans leur voiture, se préparent à partir, mais je ne sais pas exactement où ils vont. Ont-ils entendu que la situation est meilleure ailleurs ? Nous on décide de rejoindre ce qui était prévu depuis le début, à savoir une sorte de base spatiale dont nous avions entendu, quelques mois avant cet effondrement, qu’ils recherchaient des volontaires. Quitte à ce que tout s’écroule, autant y aller à fond.

Nous arrivons sur place en voiture avec d’autres personnes embarquées en chemin, et nous voyons aligner différents bâtiments étranges, des sortes de vaisseaux métalliques, mais sans rampe de lancement. On nous débarrasse de toutes nos affaires, de tous nos vêtements, et nous enfilons des combinaisons. Ça ne traîne pas. Nous passons ensuite dans une sorte de salle d’essai, de tests, pour apprendre à manipuler quelques contrôles. L’une des personnes du groupe est réfractaire à ces essais, mais un membre du centre lui dis qu’il vaut mieux savoir gérer les situations diverses en apesanteur, car nous allons y être probablement pour quelques années. En effet, la lumière s’éteint, et nous flottons alors dans le vide. Apparaît devant nous une sorte de tableau de bord géant, puis une chaise, et nous essayons de nous asseoir dessus. Sur le tableau on peut contrôler la gravité. Tout cela est en fait artificiel, il s’agit juste d’une représentation dans notre esprit, car ces objets n’existent pas. En effet, ce ne sont pas des fusées, mais ce sont des cocon. C’est cocon vont nous permettre de vivre de nombreuses années en mode léthargique, tout en ayant une stimulation du cerveau qui va nous faire croire que nous partons de la terre, en fusée. Mais en réalité on restera ici et le monde s’effondrera paisiblement autour de nous, tandis que nous serons bien protégés, dans nos cocon. Tout leur plan repose sur le fait que nous allons peut-être pouvoir sortir de ces cocon, dans quelques centaines d’années, quand la Terre ira mieux.

Finalement, c’est assez déprimant, mais c’était soit ça, soit le suicide. En rentrant dans le cocon, je me demande pourquoi davantage de monde n’a pas choisi cette solution qui me semble être la moins pire. Mais à bien y réfléchir, au moment où la lumière s’éteint, je me dis que cette solution est la pire car il est fort probable que nous ne sortirons jamais de ce cocon et que ce qu’il reste d’espèce humaine à savoir nous, vive à jamais dans un rêve, à manipuler un tableau de bord pour ajuster la pesanteur d’un voyage spatial imaginaire.

Interface Homme – Alien

Navette spatiale en approche de la lune. Nous avons décollé il y a quelques heures et mon commandant ne m’a toujours pas informé de la nature de la mission. Nous ne sommes que deux dans la navette. Nous formons une petite équipe de maintenance, chargée d’approvisionner les bases qui gravitent en orbite ou sont implantées sur la lune, effectuer quelques réparations, ou des opérations de sécurité. Cette fois-ci, cela change de l’ordinaire. Mon commandant me demande de nous placer en orbite au-dessus de la lune, puis nous attendons. Pas très longtemps en réalité, car je vois sur le pare-brise de la navette se coller une forme gélatineuse, transparente, qui semble s’étendre sur toute la paroi vitrée, s’en imprégner doucement puis, de manière extraordinaire, apparaître peu à peu à l’intérieur de la navette. Mon étonnement me laisse muet, tandis que le commandant souris. Il m’explique en quelques mots qu’il s’agit d’une forme de vie inconnue qu’il a rencontrée il y a peu par hasard, au cours d’une mission, sans m’en informer. Qu’elle est douée d’intelligence et peut mélanger son ADN à d’autres choses pour les traverser sans les briser, comme elle l’a fait avec cette vitre. Notre mission aujourd’hui : trouver une interface homme – alien qui permette de communiquer avec elle. Spontanément je tends une sorte de magnétophone. Nous l’approchons de la chose mais elle ne s’en empare pas, elle s’amuse juste à traverser les jointures sans utiliser le haut parleur. « Peut-être est-ce trop limité pour elle » dit le commandant. « Il lui faudrait une interface plus complexe ». Et il me dévisage. « Ah non, non, non ! » je réponds. Je ne me laisserai pas pénétrer par cette chose. C’était pourtant une très bonne idée, il faut le reconnaître. Mais le temps que l’on échange, elle s’était enfuie.

Nous descendons nous poser sur la lune. Nous enfilons nos scaphandres puis allons fouler ce monde froid et silencieux. Depuis que sur Terre les espèces animales ont commencé à s’éteindre, la lune est devenue un immense réservoir de faune et de flore. Bien sûr, rien n’est réel. Nous marchons à travers des groupes de dauphins, des troupeaux de cerfs, des montagnes de verdure, le tout réduit à l’état holographique. Nous passons au travers de ces animaux, présents à perte de vue. Parfois nous croisons des immeubles. Eux aussi sont faux, mais on peut pénétrer dans certains, car il y a en réalité une base installée dessous. Nous avançons dans ce monde coloré sous un ciel noir. Ces projections holographiques vous font complètement perdre le sens des réalités.

Pourtant, à un moment, nous la voyons. « J’en étais sûr » dit le commandant dans un souffle. Elle était en face de nous, sans scaphandre, rayonnante d’une beauté jamais vue. L’interface homme – alien parfaite. La chose avait pris vie à travers le corps humain d’une femme et venait à présent vers nous. Nous avançons en silence, hypnotisés par ce qu’elle dégage. À quelques mètres de distance, nous nous arrêtons. Elle nous observe, nous la scrutons. Puis ce sont les premières paroles. Elle nous pose des questions, nous concernant à la fois mon commandant et moi-même, et le reste de la population. Elle semble avoir observé la Terre depuis quelques temps et a jugé nécessaire de prendre contact pour comprendre davantage. Comprendre comment on en est arrivé là. Comprendre où ont disparu toutes les formes de vies qui existaient auparavant. Nous n’avons pas de réponses. Alors elle s’enfuit.

Nous la poursuivons à travers les faux dauphins, d’immenses baleines qui sautent autour de nous, puis à travers des immeubles. Elle se réfugie dans l’un deux. Voit-elle la différence entre les projections et les véritables structures ? Nous ne la retrouvons pas. Nous retournons à notre navette. Au pied du sas, nous trouvons son corps inerte. Elle avait couru jusqu’ici, puis avait abandonné son enveloppe. En silence nous prenons son corps sans vie dans nos bras et espérons qu’il se ranime. Mais rien ne se passe.

Exploration spatiale et technologie magnétique

Nous sommes en 2041. Je suis à bord d’un des vaisseaux envoyés par la Terre pour découvrir de nouvelles planètes. Tout s’est accéléré il y a quelques années, quand nous avons enfin réussi à maîtriser l’énergie magnétique. Du coup, tous les objets, quel que soit leur poids, peuvent être déplacés sans effort, comme s’ils volaient au-dessus du sol. Voilà pour la base, mais les applications qui en découlent sont multiples : la plupart des objets et outils produits le sont dorénavant par des machines, la robotique ayant bénéficié d’un essor fulgurant. C’est donc l’augmentation des humains qui a suivi : remplacement de membres, d’organes… J’ai moi même un oeil bionique.

Du coup avec l’énergie magnétique c’est devenu vachement plus simple de se déplacer dans l’espace, ne me demandez pas comment. Tout ce que je sais, c’est que dès que cette techno a explosé, j’ai abandonné toute activité pour me plonger dedans, en tant que « chercheur / testeur / explorateur ». En gros, j’essaye de trouver de nouvelles applications. Et c’est à ce titre que j’ai été embarqué dans ce vaisseau : on ne sait pas ce qu’on va découvrir, il faudra peut-être l’inventer sur place.

Bref, l’ambiance est pesante à bord : la capitaine s’est faite amocher lors de la première exploration sur la planète que l’on vise. L’équipe est rentrée indemne mais elle s’est faite faucher par on ne sait pas quoi, ses deux jambes y sont restées. Elle a été ramenée inconsciente et placée dans le module chirurgical. Là, toute l’avancée technologique des quelques dernières années prend tout son sens. Sans que personne n’intervienne, quelques bras robots fabriquent dans un coin deux superbes jambes d’acier ; et encore ils ne touchent à rien, chaque pièce glisse sur un rail invisible et vient s’emboîter. C’est extraordinaire à voir. Un autre robot, toujours en suspension au-dessus du sol, glisse vers elle et vient lui greffer ses nouveaux membres. Elle revient à elle peu de temps après. Soudain elle comprend : où elle se trouve, ce qui lui est arrivé, et ce qu’elle a perdu. Elle crie dans un sanglot de rage, personne ne bronche. Mais à ce moment je me dis qu’elle a de la chance en fait. Ces deux jambes motrices vont faire d’elle un être humain augmenté : plus puissante, plus rapide, avec une meilleure autonomie de marche. Elle comprend ceci exactement en même temps que moi, et sa réaction est immédiate : elle se met debout, se dirige vers son équipe dans un « clang » « clang » retentissant et se lance vers une nouvelle exploration de la planète.

Univers virtuels et réalité trop améliorée

Je suis à l’agence quand je reçois par mail une invitation pour aller dans un centre d’univers virtuels. C’est comme un parc d’attraction, on y va tous les 4-5 ans histoire de s’amuser un bon coup. Là c’est un groupe d’amis qui organise ça, allez, pourquoi pas. Je pars un peu plus tôt du boulot donc, et les rejoint au pied de l’immense immeuble gris, qui ressemblerait à un complexe de cinéma sans les affiches. Pas de fenêtre, mais des escaliers tout autour qui mènent à différents espaces. Ca fait longtemps que je ne suis pas venu.

Je les retrouve assez rapidement. En fait je n’en connais que deux sur les 6. On choisit le plus gros univers, même si on y a déjà tous joué il y a quelques années. Ca fait un peu comme les attractions à EuroDisney : on commence à les connaître. D’autant que cet espace a été créé par Disney… Bref, nous sommes tout de même un peu excités dans le hall d’attente en faisant la queue, c’est toujours sympa comme divertissement. Une fois enregistrés, une hôtesse nous conduit dans une petite salle annexe, recouverte de moquette et éclairée comme en plein jour malgré l’absence de fenêtres. Au centre, un énorme tube de plastique blanc descend du plafond et se divise pour rejoindre 7 cocons. Chacun prend place dans l’un d’eux en position foetale. Dès que la tête touche l’oreiller, une sensation unique me saisit. Mon corps est totalement engourdi l’espace d’un instant, je le sens mais suis incapable de bouger. Je ne vois qu’un voile gris avec une impression de déplacement. Quand tout d’un coup les couleurs commencent à apparaître : j’apparais à deux mètres du sol, sur une piste en pleine jungle. Comme lâché en plein air, j’atterris sur la terre. Les autres apparaissent tout autour. Une impression de déjà-vu nous saisit : nous faisons un certain effort pour comprendre où nous sommes, quand je lâche soudain « ah mais oui je me souviens, c’est le monde de la jungle ! Faut éviter les animaux ! ». En effet, au bout de la piste il y a une barrière au-delà de laquelle il n’y a … rien. Et de l’autre côté, un grondement. Des animaux immenses arrivent en trombe : éléphants, hippopotames, girafes… Le but du jeu est de remonter la piste en courant et d’éviter de se faire écraser. D’emblée je manque de me faire empaler, je saute sur l’herbe en contrebas. Mais c’est pas drôle, donc autant foncer au milieu des animaux. Ceux qui connaissent font pareil, les autres hésitent. Finalement, une fois la salve passée, le monde s’efface et nous changeons d’univers.

S’en suivent un certain nombre d’autres lieux et situations, avec à chaque fois ce passage de l’inertie à la matérialisation. Un peu comme si le corps disparaissait, était téléporté morceau par morceau, pour réapparaître, s’emboîter, générer les sensations tactiles et recommencer à vivre.

A la fin de la simulation, je reste quelques minutes dans un état de pseudo-léthargie dans mon cocon. Impossible d’ouvrir les yeux. Pourtant je ressens la position foetale. Puis je parviens à bouger, comme à chaque fois qu’on arrivait dans un nouveau monde. A ce moment je réalise que la simulation a beau avoir quelques années, le rendu est étonnant de réalité. Impossible de faire la différence avec le vrai. Du coup le doute s’empare de moi : et si je venais d’apparaître dans une nouvelle simulation qui se calque sur la réalité de départ ? Horreur.

d’ordinaire je n’annote jamais mes rêves ; je tiens à préciser ici cependant que les sensations d’engourdissement successifs et de « réalité » étaient étonnamment dérangeantes

Morsure de zombie

Apocalypse. La Terre est dévastée par un virus qui touche la race humaine comme une trainée de poudre. Ca fait des heures que je cours au milieu de la nuit, me cachant parfois derrière un mur, un buisson, une porte cochère… Ils sont partout. Ils sont rapides. Nous sommes peu.

Les zombies ont besoin de chair fraîche. Et pourtant, une bouchée leur suffit. Une fois mordu, le pauvre survivant devient l’un des leurs, avec une oreille en moins, ou un trou au bide. Ils se regroupent autour de feux de poubelles pour se réchauffer. Et moi je la cherche. Je sais qu’elle est encore en vie. Je dois la retrouver. J’arrive à un carrefour. Au coin, un terrain vague qui servait de terrain de basket accueille une quainzaine d’entre eux. Ils ne m’ont pas vu. Je recule et me blottis contre le mur. Quand soudain je heurte quelque chose, ou plutôt quelqu’un : un petit groupe de 3 survivants se terre là. Ils sont apeurés. Je reconnais l’un d’eux : mon boss. Je leur propose de me suivre, je sais qu’il y a plus loin une grosse bâtisse capable de nous abriter. Ils acceptent. Voilà le plan : il va falloir courir vite, très vite, on ne peut que passer devant eux. Ne pas se retourner.

Nous nous élançons dans le froid. Le sans monte rapidement au tempes. J’ai pris la tête et nous amorçons notre virage dans le carrefour. Les zombies lèvent la tête, nous voient, nous suivent. Je vais tellement tellement vite que mon virage est trop large, je heurte un grillage en U. Pas le temps de faire demi tour pour le contourner, je grimpe sur une poubelle et l’enjambe. Mes compagnons sont moins chanceux. Ils n’arrivent pas à sauter de la poubelle au haut du grillage. La vingtaine de zombie les a rejoint. Ils se ruhent dessus. Dans des cris horribles, je constate leur transformation, quelques morceaux de chair en moins. Je repars aussi vite que je peux.

Après de longue minute, à bout de souffle, je m’arrête en haut d’une rue déserte. Et je la vois, la fameuse bâtisse. Je ne sais pas comment je la connais, mais j’entre. Personne au rez-de-chaussée. Personne au premier. Reste l’étage. On dirait qu’il est barricadé. Il fait noir, et pourtant je perçois deux corps : deux rescapées tentent de se faire oublier, pensant que je suis un zombie. Rapidement, je les rassure tandis que nous cloisonnons l’étage. Je m’écroule ensuite de fatigue.

Au petit matin, je constate que ma course folle m’a entraîné de Paris à Lille (en une nuit!). Pas plus étonné que ça, je regarde par la fenêtre. Des groupes de zombies errent partout. Et des enfants. Plein d’enfants qui se rendent à l’école. Etrangement, ils sont insensibles au virus. J’apprends alors par l’une des deux femmes que le gouvernement a décidé de les renvoyer à l’école, puisqu’ils ne craignent rien. Elle n’est pas loin, me dis-je. De là, je me vois à la fenêtre, la vision s’élargit sur le quartier, et en contre-bas se trouve une école. La caméra plonge vers la cour, et je la vois : une petite fille, 4 ans, emmmitouflée dans son manteau d’hiver, avec son bonnet qui recouvre ses couettes… Elle est triste et se demande où sont ses parents. Et moi je la cherche désespérement.

Un anniversaire, Sego & Sarko apportent le gâteau

C’est l’anniversaire de mon père. On est en famille élargie, comprenant oncles tantes cousins etc. En milieu de matinée, une balade s’improvise. Tout le monde a oublié de lui souhaiter son anniversaire. Jusqu’à ce que quelqu’un s’en rappelle. Et la gêne s’installe en chacun de nous, qui venons lui faire une bise, honteusement. Il est vexé bien entendu. Après un moment de silence boudeur, il fini par nous annoncer qu’il a invité quelques personnes. Et quelques instants plus tard, qui arrive ? Nicolas et Ségolène. Ségolène est toute souriante, pincée de voir son concurrent également invité mais jouant le jeu, n’y prêtant que peu d’attention. Sarko râle dans son coin, peste, persifle, mais souhaite tout de même un joyeux anniversaire au paternel.

Nous restons bouche bée, bien évidemment. Les gardes du corps, eux, restent dehors. Et le gâteau arrive, soufflage de bougies, poignées de mains et accolades, le tout dans une drôle d’ambiance à la fois festive, gênée et dérangée par la présence presque intime de deux filous de la politique.

Téléfilm, marginal et bout de la ville

J’habite avec ma copine un appartement dans une grande ville sombre mais propre. Classieux. Il est 19h, et j’ai rendez-vous avec un ami dans un restau-bar, quelques rues plus loin, pour discuter de la refonte du design d’un vieux site dont nous sommes parmi les plus anciens membres. « Je sors », dis-je simplement sur le palier, avant de m’enfuir dans la pénombre des rues désertes. Pas un papier par-terre, pas une poubelle qui déborde, pas un chat non plus.

J’arrive dans ce restau qui fait l’angle, seul point de lumière du quartier. On y diffuse un téléfilm, le même que j’avais en bruit de fond avant de sortir. Je le suis d’un oeil, en attendant mon rendez-vous qui n’arrivera jamais.

Au bout d’une demi heure et d’un demi, m’appercevant que je n’ai ni portable ni monnaie pour téléphoner, je me traite d’andouille et m’inquiète pour celle qui commence à se demander où je suis parti. Je décide alors de rentrer, quand sur le chemin je croise un homme un poil émeché. Pas un clochard, juste un marginal au sourire sympathique qui ne demande rien. Il m’accompagne un bout de chemin, dans la nuit s’installant, parlant d’abord tout seul, puis discutant avec moi. Il est en fait un voyageur, qui va de pays en pays, et assure n’avoir jamais visité de ville comme celle-ci, où il fait froid et noir. Je lui prête ma veste tandis que nous marchons, toujours tout droit. Je me suis perdu. Impossible de reconnaître l’endroit. Voyant mon désarroi, il se montre un peu désolé. Puis nous voyons une lumière briller au loin. Nous marchons longtemps dans sa direction jusqu’à découvrir le bout de la ville et son phare. Une large jetée, parsemée de morceaux de béton et d’étendues de boue. Quelques rocades passent au-dessus de ces plages de terrain vagues. Je suis déjà venu ici, oui, je m’en rappelle à présent. Mais en voiture, et le chemin était particulièrement long ! Aurais-je marché si longtemps ? Et comment rentrer chez soi à pieds, je ne vais quand meme pas longer l’autoroute qui traverse en hauteur cette ville sans fin ?

Tandis que nous allons nous asseoir au pied du phare, j’observe un entrepreneur immobilier, clinquant et dodu, vendre les mérites de ce terrain pourri à un jeune couple désireux de s’installer. La crise du logement n’épargne personne. Le ventreux commercial annonce des superbes villas surplombant une plage de sable fin. Difficile à imaginer en l’état, tout n’est que bitume, terre sale et fils de fer rouillés. Et puis la rocade passe juste au-dessus.

Mon compagnon de route suggère d' »emprunter » la voiture du gros homme. Bonne idée, après tout. Et nous voilà filer sur la rocade, nous faisant avaler par la ville sombre que j’étais empressé de regagner.

Chine, Liberté et jeux vidéo

Quelques années dans le futur, je suis envoyé en Chine avec un collègue du magazine de jeux vidéo pour lequel je bosse. A Pékin se déroule la première édition d’un salon des nouvelles technologies et des jeux vidéo. On est un peu dubitatifs sur ce qu’on va trouver là-bas. La Chine n’a pas beaucoup évolué au niveau politique, seule sa puissance économique a grandit depuis quelques années. Internet n’est toujours pas en libre accès et son développement est de plus en plus freiné. Pendant le long trajet, je m’interroge sur la façon dont nous allons pouvoir envoyer nos articles sans qu’un lieutenant ne les censure ; au pire, nous avons apporté clandestinement une antenne satellite miniature.

Nous y voilà. Une voiture officielle nous conduit directement de l’aéroport à l’hôtel, qui se révèle être également le lieu de l’événement. Le programme déposé dans la chambre nous annonce des conférences des ‘grands’ du marché – EA, Ubi, Microsoft… Tiens, ce dernier présenterait sa nouvelle version de Windows ? Voilà l’aubaine pour nous d’exhiber une exclusivité, le temps de quelques heures. La conférence n’ayant lieu que plus tard, nous avons le temps d’aller voir si l’on peut en apprendre davantage avant les confrères. Nous descendons dans le hall principal, où une attachée de presse chinoise nous fait comprendre bien poliment que le salon n’est pas encore ouvert. Les deux militaires flanqués derrière elle appuient son propos par leur simple présence. On s’écarte docilement, quand on repère une porte de service sans garde et sans verrou. L’occasion est trop belle, on s’y glisse subrepticement. Une grande salle circulaire, très peu éclairée. Au centre, une table, avec un PC dernier cri. Un technicien chinois est affairé près des prises.

Nos quelques connaissances de Mandarin nous permettent d’entamer le dialogue. Ce jeune homme est technicien informatique, on l’a chargé de brancher ce poste et de veiller à son bon fonctionnement pendant le salon. En voyant que nous sommes étrangers, il ne nous cache pas, à demi-mot, son antipathie avec les méthodes de son gouvernement. Il aimerait voir le monde ailleurs, mais n’en connais que les images que les manuels scolaires veulent bien laisser voir. Emus par ce type, on commence à lui raconter notre vie en Europe, et comment la Chine est perçue. Il écoute, ébahi, et semble dire que ses théories se révèlent juste. C’est alors qu’il allume l’écran, avec un regard complice. Sous nos yeux, la machine affiche le système d’exploitation inédit de Microsoft, qu’aucune personne, hormis ses concepteurs, n’a encore vu. Il ne me faut pas une seconde pour commencer à mitrailler l’écran avec mon APN. Mon collègue surveille la porte, tandis que je navigue avec la souris. Cette version est stable mais inachevée, et pourtant elle présente des innovations très fortes. Le jeune chinois semble fier de me montrer cela, tel un secret partagé. Au bout d’un certain temps, je commence à m’inquiéter pour lui. Quand les images paraîtront, les autorités ne tarderont pas à l’impliquer. Je lui en fais part, et il se vexe presque. Son acte était délibéré. Soudain un militaire surgit, un gradé. Sans un mot il demande des explications à notre camarade. Ce dernier lui assure que nous l’aidions juste à finaliser l’installation, c’est tout. J’ai pu ranger mon appareil à temps. Le gradé nous somme de sortir de là, et renvoie le technicien dans son bureau. J’attrape son bras, sachant que je ne le reverrai jamais :
«Tu ne sais pas tout, la Chine te cache beaucoup de choses »
« Je sais », a-t-il simplement répondu. Et il est parti.

De retour dans notre chambre, je branche le laptop à notre petite antenne, afin d’envoyer les photos à la rédaction. En l’honneur de notre ami inconnu.