Toi, la soeur que je n’ai jamais eue

Nous sommes en famille en vacances à la montagne, dans le village où nous nous rendons chaque année depuis trois générations.

Le matin se lève, une nouvelle journée de balade s’annonce. Et sur le perron du chalet, je vois ma soeur. Il faut savoir que dans la vie éveillée, j’ai deux frères. Je suis l’ainé. Et cette soeur que jamais je n’ai connu, avec qui je n’ai jamais parlé, est là, devant moi, et m’attend. Elle a deux ans de moins que moi, et est si belle. Elle paraît douce et mystérieuse, pétillante et intelligente. La voir me chauffe le coeur, j’en suis presque ému.

Et pourtant dans ce rêve, je sais qu’elle est ma soeur. Nous marchons en silence rejoindre nos parents. Durant la matinée nous n’échangeons que quelques mots, mon esprit étant tiraillé entre la raison qui lui dit qu’elle n’existe pas, et le rêve qui lui prouve le contraire.
Le rêve l’emporte, puisque après avoir marché un long moment à travers le village, en rentrant au chalet, je découvre ma soeur. Je la découvre intérieurement, on se découvre mutuellement, et c’est une expérience unique, intranscriptible. C’est comme si nous avions été privés de nous voir pendant une grosse vingtaine d’années, et que tout d’un coup on s’admet naturellement frère et soeur. A nouveau je contemple son visage presque angélique, et j’éprouve un sentiment de fierté sans égal à son égard. C’est ma soeur ! Et quelle soeur ! La soeur parfaite.

* * *

Je me réveille, et me rappelle que deux ans après ma naissance, la famille a failli s’agrandir. Seulement failli.

Le scarabée domestique

Je me réveille dans une chambre d’hôtel d’un pays étranger. En vacances. En famille. Je partage la chambre avec mon frère, qui a déjà a rejoint le buffet du petit-déjeuner. Pour ma part, je préfère profiter d’un bon bain dans la une baignoire en forme de coquille Saint-Jacques. En sortant, je trouve près du mini-bar un assortiement de housses de protections pour PSP. Chaque jour le personnel de l’hôtel propose un nouvel assortiment. Aujourdh’ui, certaines ont le prix indiqué dessus, d’autres sont assorties d’un autocollant sur lequel est écrit à la main « free – gratis ». Tiens, pourquoi pas, mais il faudrait que je vérifie auprès de la réception de leur véritable gratuité. Après avoir enfilé un short et m’être aperçu que je n’ai plus de t-shirt à mettre, je rejoins ma faille dans le hall ensoleillé. Et sans le moindre étonnement, je m’écrie en découvrant mes deux frangins fixant un point blanc sur le sol :

– Il a éclos ! C’est super !

Notre scarabée domestique vient de naître. Attaché au bout d’une laisse ‘maison’ en ficelle, il est encore pâle. Ce n’est qu’un nouveau né.

J’en profite pour faire part mon besoin assez imminent de t-shirt, et nous décidons de partir tous els cinq dans la rue qui surplombe l’hôtel, trouver de quoi me vêtir le torse mais aussi promener notre nouveau compagnon.


C’est moi qui tiens la ficelle. Comme il est encore jeune, il n’exprime pas de forte résistance, et je me surprends même à marcher plus vite que lui. « Mince, me dis-je, si je marche trop vite je risque de lui casser les pattes » et décide donc de réduire l’allure. Malheureusement, le jeune animal trébuche quelques mètres plus loin.

– Que se passe-t-il, s’enquit mon frère.

– Je ne sais pas, on dirait qu’il s’est coincé la tête dans un truc métallique.

Et voilà que notre jeune scarabée blanc grossit et devient une statue de métal, brillant et immobile, tout en se décomposant en plusieurs morceaux : pattes, corps, tête, cornes… Je ramasse le tout et m’installe sur un banc, dans l’espoir de le remonter, tel un Lego. Car si je ne parviens pas à réimbriquer toutes les pièces à temps, le pauvre insecte risque de rester ainsi à jamais… Et pendant ce temps, les autres vont dan la boutique de t-shirt, m’en choisir un qui demain ne pourra pas être réutilisé.

Le mur d’eau

La nuit vient de tomber. Je suis un espion à la solde d’un riche gouvernement, chargé d’une mission de quasi-routine : enlever une personne en territoire ennemi. Pourquoi ? je ne sais pas. J’arrive tranquillement par la mer sur la plage d’une ville futuriste, bordée d’immeubles bas au design très aéré. Au loin s’élève une vielle forteresse moyenâgeuse, d’où s’élève vers le ciel sombre une tour de pierre.

Il ne me faut que quelques instants pour repérer ma cible : une jeune femme qui dort dans une maisonnette sans portes, tout juste un toit suspendu par un grand mur, faisant face à la mer. En réalité je suis venu la sauver : elle réside dans ce pays mais ne peu fuir, sous peine d’arrestation. Je la réveille doucement et découvre son visage : je le connais très bien dans la vie terrestre, mais le découvre dans ce rêve. Au début elle est effrayée, je suis complètement vêtu de noir, je parle peu, je lui dit juste que je suis venu la chercher et qu’il faut partir au plus vite. Après avoir constaté que les lieux sont toujours déserts, je l’attrape par la main et l’entraîne derrière le mur de son abri, en direction de la mer. Stupéfaction. Un mur immense, illuminé par le reflet de la lune, se dresse devant nous. Un mur d’eau de plusieurs dizaines de mètres, perdu dans l’horizon, qui semble immobile. Je reste figé quelques instants, hébété, à fixer cette masse noire. Quand je comprends, soudain, qu’un immense raz-de-marée fonce vers nous. Au vu de sa hauteur à une telle distance, j’imagine avec horreur sa taille en atteignant la côte.

On file vers la ville, ne pouvant rejoindre le canot et fuir par la mer. Aucun véhicule, et ces habitations qui semblent toujours aussi désespérément vides. Instinctivement, on cherche à atteindre un endroit en hauteur : le château. Bâti sur une colline, creusé à même la roche par endroits, on grimpe dans la tour jusqu’à une terrasse à l’opposé de la mer. Ainsi, un épais mur nous protège de l’océan. Elle croit que ça tiendra, mais je n’en suis pas si sûr. Je la cale bien contre la pierre taillée, tandis qu’un grondement sourd commence à faire vibrer le sol. Je contourne le mur pour contourner la tour et faire face à l’océan : le mur noir est à quelques mètres de la plage, sa hauteur est démesurée…

Porte-feuille, aquasplash et absurdité

Je retourne dans mon ancien immeuble, que j’ai habité toute ma jeunesse. J’ai encore les clés de la boîte aux lettres. Au hasard, je l’ouvre : une énorme pile de courrier adressé à notre nom. Je le récupère et tente d’accéder à notre ancien appart’. Je. Il est vide, la porte ferme mal, personne n’y a habité depuis quelques années. Je me rends sur la terrasse. Tiens, ils ont construit un aquasplash en bas. N’ayant rien d’autre à foutre, je m’y retrouve.

Il ya du monde, du bruit, ça craint. Je suis en maillot et toutes mes affaires sont dans mon sac à dos, que je prends soin de poser près d’une famille le temps d’aller faire trempette. Quelques minutes après, je reviens ; presque tout le monde est parti, mon sac aussi. Horreur. Mon porte-feuille, mon portable, mes clés, mes papiers, tout, disparu, envolé. Un jeune couple assis pas loin observe ma détresse et m’interpelle. Ce sont des allemands. Et voilà que je me mets à converser avec eux dans la si harmonieuse langue de Goethe, apprenant que les restes de mon sac sont au fond de la poubelle près d’un sandwich au Roquefort… La femme me donne la description du gars qui m’a tiré mes affaires et je la convaincs de m’accompagner au poste de police le plus proche. Sur le parking, elle voit passer le type dans sa bagnole : une petite voiture verte avec des cannes à pêche dedans. Ni une ni deux je me lance à sa poursuite sur le périph. Il prend de l’avance mais je vois au loin un bouchon, susceptible de me faire rattraper mon retard. Ce que je. Mais ce con sort par une bretelle, qui amène dans des tunnels. Il m’a vu, il accélère. Toujours en courant, je m’engouffre à sa poursuite, rasant les murs orangés. Et au bout du tunnel, une lumière. Me voilà plongé dans une arène de stock-car. L’horreur bis. J’évite les caisses, je me rue sur les gradins, je cherche des yeux le voleur fuyard. Il n’est pas là. Par où est-il sortit ? Je ne le saurai jamais.

Touristes, journaux et absurdité

Au beau milieu d’une place déserte, dans une ville nord-africaine, me voilà à vendre des journaux à la criée. Seulement voilà, je me tais. Car d’une part il n’y a personne, et d’autre part je ne me vois pas crier des titres écrits en flammand. Car oui, les journaux que je suis sensé vendre 1€ sont écrits en flammand.

Je me dirige vers la plage, les touristes doivent y être plus nombreux que dans les rues de cette ville déserte. Je traverse un terrain de foot en sable, sur lequel une quarantaine de gamins, tous des enfants de touristes, courent après la balle. Les bleus contre les rouges. Ah! La terrasse d’un café! Je vais enfin pouvoir écouler ce papier qui me pèse, tant physiquement que moralement. Je suis hellé par plusieurs tables : les affaires reprennent ! Je m’approche d’une table qui vient de m’appeler par mon prénom. Intrigué, je m’approche.

Dites moi, maintenant que vous étudiez dans une grande école de communication, est-ce que vous regardez TF1 plus souvent ?

Surprise totale, mais réponse directe :

– Je ne regarde jamais TF1, encore moins maintenant.

Puis je reconais ma terlocutrice, Claire Chazal. Elle a un petit rire gêné, puis me présente sa table : son compagnon, Michel Field (!), ses deux filles, le fils de Michel, un petit rondouillet à l’air méchant, et la grand-mère de ce dernier. L’octagénère me serre la main, « Bonjour monsieur / Bonjour madame ». Puis la discussion reprend. Tout ce beau monde est déguisé en touriste, et me parle des lieux, de mes études, de la télévision, de TF1. Je m’installe avec eux, les journaux commençant à peser. Mon frangin arrive subitement, essouflé. Il me lance :

– Bonjour, pardon de vous déranger. Dis, quand tu rentreras à la maison, fais gaffe passqu’on a plus de lait.

Et il repart en courant. Ah, bon, me dis-je. Et le Michel junior de lancer à Claire : « Le garçon il a dit tout bas que t’étais une mocheté, oui je l’ai entendu ». Quel petit.. Mon frangin n’aurait jamais dit ça, surtout qu’il n’a visiblement pas reconnu avec qui je parlais. Puis il est l’heure pour eux de rentrer à leur petit chateau, qui domine la côte, loué pour l’occasion. Je me propose de faire un bout de chemin avec eux, mon bungalow étant sur le chemin. En route, Michel, qui n’a pratiquement rien dit pour le moment, laisse entendre que Claire doit rentrer à la Capitale, et que pour s’occuper il proposera à mon chef d’écrire, je cite, « deux ou trois papiers pour sa feulle de choux ». Je l’en remercie vivement et me désolidarise du troupeau, cherchant à regagner mon chez moi.

Aviation, horreur et absurdité

Tout commence sur une route d’Amérique du Sud. Nous roulons sur une piste à travers la forêt, quand nous nous arretons sur une corniche surplombant une vaste clairière. Nous découvrons un aéroport doté de trois petites pistes, un aérogare moyen et quelques moyens porteurs sur le départ. Jusque là tout va bien, on est venu voir les avions, on descend un peu sur le tallus herbé, nous rapprochant des pistes dépourvues de grillage. Quand l’horreur survient.

Un des avions qui décolle sur une des courtes pistes semble vouloir gagner trop vite de l’altitude. Il grimpe trop, il va décrocher. Il décroche. Dans un silence total, l’avion se retourne et commence à tomber. Horreur. Il se redresse à peine, je ne peux pas m’empêcher de hurler face à cette vision apocalyptique. Tout ce que je trouve à faire, hormis brailler, c’est sortir mon téléphone et photographier la scène. L’avion qui tombe. L’avion sur le dos à quelques mètres du sol. L’avion qui prend feu. L’horreur. J’en viens presque à chialer. L’engin se trouve à quelques mètres de moi, la partie arrière en feu, le nez dans la terre. On extrait un miraculé, qui ne semble l’être plus que pour quelques instants. C’est un steward. Des personnels du sol lui on déjà appliqué une minèrve qui lui recouvre tout le visage, je ne vois que ses yeux ; il est ensanglanté et totalement brûlé à partir du bassin. On appelle les secours, qui tardent. Un collègue du steward qui arrive en courant de l’aérogare lui sort cette absurdité : « Je sais qu’on ne peut pas te briser les cervicales tant que le délégué de la CGT n’est pas là, mais nous devons secourir les victimes ». Je suis au-dessus du type au sol qui pleure tant qu’il peut, il ne semble pas comprendre ce qui se passe ; son collègue vient de sortir un scalpel et lui ouvre le bide, laissant surgir une masse de boyaux et d’organes. Puis il plonge la main dans ses entrailles et cherche des survivants. Il ne trouve que des brûlés.